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LES CAHIERS DE LA CINEMATHEQUE n°1.pdf - Institut Jean Vigo

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Coup d' oeil sur le cinéma français<br />

On redécouvre aujourd'hui le cinéma français d'avant-guerre et dans cet art, qui fût l'âge d'or des<br />

acteurs, ce sont d'abord des visages qui surgissent : Harry Baur, tragique et lourd, figé dans la douleur<br />

humaine comme un volcan; Pierre Blanchar, aigu, amer, fatal, le regard vrillé dans l'orbite et qui annonce, si<br />

curieusement, Gérard Philippe; Henri Garat, Fernand Gravey ou Pierre Brasseur, play-boys avant la lettre,<br />

amants détachés et drôles qui tempéraient leur belle indifférence du sourire de Paris; Raimu, une "nature",<br />

avec les défauts de ses qualités, et qui était battu sur son propre terrain par l'admirable Charpin.<br />

Aussitôt, d'autres noms viennent à la mémoire : Pierre Renoir, l'un des plus grands acteurs qu'ait<br />

jamais eu le cinéma français; Victor Francen, qui valait beaucoup mieux que ses rôles d'officier cocu; Louis<br />

Jouvet, à la démarche de pingouin à l'oeil brillant d'intelligence; <strong>Jean</strong> Murat, bon et grave; Jules Berry,<br />

l'escroc mondain de tant de films pétillants auxquels il apportait la grâce de son cynisme; Michel Simon, qui<br />

était génial quand on le tenait d'une main de fer et qu'on l'empêchait de cabotiner; <strong>Jean</strong> Gabin, avec sa<br />

rudesse, ses colères et son coeur, qui allait devenir, pour la génération du Front populaire, le symbole de la<br />

France ouvrière.<br />

A ce jeu où le cinéma se mêle tellement bien à la jeunesse vécue, on n'en finirait pas d'évoquer des<br />

souvenirs. Mais dans ceux-ci les hommes eurent plus d'impact que les femmes. Les vamps étaient<br />

américaines et les films français d'avant-guerre laissaient peu de place au désir. Viviane Romance, Ginette<br />

Leclerc, Mireille Balin furent quelques unes des très rares incarnations de l'amour. Les actrices étaient<br />

excellentes, les ingénues n'étaient pas perverses. Si Gaby Morlay ou Edwige Feuillère conservent<br />

aujourd'hui une telle "présence", c'est qu'elles sont comédiennes dans l'âme. Si Danielle Darrieux ou<br />

Michèle Morgan nous émeuvent et nous charment, c'est qu'elles montrent déjà, sous l'enveloppe frêle de la<br />

jeune fille, le masque du monstre sacré. Les studios de Billancourt n'étaient pas, comme ceux d'Hollywood,<br />

le jardin des plaisirs défendus et il manque peut-être, à cet art trop sage, une Mae West.<br />

La Cinémathèque de Toulouse rend hommage, durant ce trimestre, au cinéma français d'avantguerre.<br />

D'abord par une exposition où les comédiens ont la part du lion : non pas seulement les vedettes,<br />

mais aussi tous ces seconds rôles : Julien Carette, Saturnin Fabre, Bergeron, Temerson... que l'on<br />

retrouvait avec la même joie, en un temps où le cinéma voulait dire plaisir. Ensuite, par une rétrospective où<br />

l'on verra l'intégrale de Renoir, de Guitry, de Feyder, de Carné ou de Duvivier entre les deux dates, 1930 et<br />

1940, qui marquèrent d'abord la fin du muet, puis la fin d'un monde.<br />

Ce qui frappe, dans une telle entreprise, c'est la volonté d'être circonscrite. Par delà les acteurs et<br />

les metteurs en scène, nous sommes conviés à un spectacle, celui d'une société. Les photographies ont été<br />

groupées autour de thèmes quotidiens : la France à table, la France mondaine, l'armée, la campagne, le<br />

mariage, le sport, la rue.... Et l'on s'aperçoit combien le cinéma a témoigné sur son époque, même à travers<br />

les aliénations que suppose une mise à l'écran. Avec la distance, plus rien n'est démodé et tout devient<br />

révélateur. Soyons sociologues : un film de 1935 en dit souvent plus long sur son temps, même s'il s'agit<br />

d'un vaudeville ou d'un mélo, qu'un livre d'histoire. Il fixe des traits de civilisation. Il restitue tout un climat. Le<br />

cinéma est le reflet, merveilleusement daté, d'une façon de vivre.<br />

(Etienne Chaumeton – La Dépêche du Midi – Dimanche 17 Janvier 1971).<br />

© Cinémathèque euro-régionale <strong>Institut</strong> <strong>Jean</strong> <strong>Vigo</strong> <strong>LES</strong> <strong>CAHIERS</strong> <strong>DE</strong> <strong>LA</strong> <strong>CINEMATHEQUE</strong> N° 1 janvier 1971<br />

Arsenal espace des cultures populaires – 1 rue <strong>Jean</strong> Vielledent, 66000 PERPIGNAN Tél. 04.68.34.09.39 Fax. 04.68.35.41.20<br />

courriel : contact@inst-jeanvigo.com site internet : www.inst-jeanvigo.asso.fr<br />

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