LES CAHIERS DE LA CINEMATHEQUE n°1.pdf - Institut Jean Vigo

GRIBICHE
(de Jacques FEYDER)
Encore une âme d'enfant dans GRIBICHE. On accueillit le film avec une espèce de faveur
indulgente. On eut tort. La nature du désarroi intime d'un gamin de dix ans faisait l'objet d'une observation
très poussée : un désarroi sans bruit ni sanglots. Nous sommes conviés à une dissection de l'ennui chez un
petit garçon dépaysé. Dans VISAGES D'ENFANTS d'une sentimentalité un peu grosse, la peine du
pitoyable héros est sombre et dramatique. Dans GRIBICHE, l'enfant ne se trouve pas à proprement parler
malheureux, il s'embête. Il s'embête jusqu'à la souffrance. Cette nuance, FEYDER l'a rendue. Mais avec des
touches si fines qu'on ne les a pas suffisamment remarquées.
Comment aussi ne pas apprécier la peinture du coeur d'une maman, empli d'amour maternel
évident, mais trop raisonnable à contre-sens pour sentir la détresse où une décision, prise en faveur de
l'enfant, rejettera celui-ci ? Une maman veuve qui ne s'avoue pas que l'éloignement de son fils facilitera un
second mariage. Comment également ne pas apprécier le tableau d'un PARIS de petits commerçants,
d'ouvriers gagnant bien leur vie, de leurs mœurs franches, par exemple, le dîner à la brasserie, un dimanche
soir, une de ces brasseries où il y a beaucoup de monde, où le garçon connaît les clients et où l'on mange
bien.
Et la visualisation…. Du mensonge de la riche mythomane qui, racontant comment elle a recueilli un
petit garçon, donne de l'événement une version comiquement fausse ? Et l'interprétation de Françoise
ROSAY, femme de Jacques FEYDER, débutait à l'écran dans un rôle important : l'aisance, l'autorité de son
jeu pouvaient faire augurer qu'elle deviendrait une des deux ou trois plus grandes actrices du cinéma
français. Nous ne nous en aperçumes que dix ans plus tard dans le film parlant LE GRAND JEU…… Pour
tant de raisons, GRIBICHE mériterait de sortir de son obscurité. Il eut la malchance d'être desservi par ses
qualités. La somme de ses observations lassait.
Henri FESCOURT
("La foi et les montagnes" P. 274-275)
© Cinémathèque euro-régionale Institut Jean Vigo LES CAHIERS DE LA CINEMATHEQUE N° 1 janvier 1971
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