MANUEL GÉNÉRAL DE L'INSTRUCTION PRIMAIRE - INRP
MANUEL GÉNÉRAL DE L'INSTRUCTION PRIMAIRE - INRP
MANUEL GÉNÉRAL DE L'INSTRUCTION PRIMAIRE - INRP
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
2(0 <strong>MANUEL</strong> <strong>GÉNÉRAL</strong> <strong>DE</strong> L' INSTRUCTION <strong>PRIMAIRE</strong><br />
Pour bien remplir sa mission, l'éducateur a<br />
besoin d'avoir une foi ardente.<br />
Du moment qu'il ne croit plus en la justice,<br />
il devient une machine à instruire tant biéti<br />
que mal, plutôt mal que bien.<br />
Découragé, il s'abandonne. Tout son erïseignement<br />
laisse à désirer. Et c'est peut-être<br />
parce que trop de maîtres sont devenus des<br />
machines à instruire tant bien que niai, que<br />
notre enseignement n'a pas donné les résultats<br />
qu'on était en droit d'en attendre.<br />
C'est pourquoi, en terminant, je crierai à<br />
mes anciens collègues :<br />
« A l'œuvre ! Résolument à l'œuvre, contre<br />
les influences politiques qui ont faussé tous<br />
les rouages administratifs! »<br />
RAFFIN-DUGENS,<br />
Instituteur, député.<br />
Opinion de M. <strong>DE</strong>NYS COCHIN,<br />
Débuté de la Seine.<br />
Mon cher collègue,<br />
Vous me demandez si les instituteurs ont le<br />
droit d'être en rapport avec des hommes politiques?<br />
Je ne comprends pas très bien la question.<br />
La profession d'instituteur et celle de sénateur<br />
ou de député ne comporte pas l'interdiction<br />
de se connaître, de s'apprécier, au besoin<br />
de se défendre mutuellement. La réponse<br />
affirmative est ici trop naturelle.<br />
Mais votre question a, je pense, une autre portée,<br />
et vous voulez mon avis sur la liberté politique<br />
dont il convient de laisser l'usage aux<br />
instituteurs.<br />
Il y a quelques jours, en un discours fort<br />
applaudi, M. Poincaré les déclarait fonctionnaires<br />
; et, de sa voix claire et décidée il lançait<br />
cette phrase : Les fonctionnaires ne sont<br />
pas le peuple!<br />
Faut-il accepter rigoureusement cette formule?<br />
Il y a beaucoup de fonctionnaires en<br />
France; ils ont dû être choisis, et ils le sont<br />
en général parmi les citoyens laborieux et<br />
éclairés. S'ils ne faisaient plus partie du peuple,<br />
le peuple serait singulièrement diminué. D'ailleurs<br />
personne ne songe à exclure ces légions<br />
de fonctionnaires des rangs des électeurs : et<br />
à quel signe, autre que le bulletin de vote, reconnaît-on<br />
le peuple en notre pays?<br />
Je voudrais ici proposer à M. Poincaré d'établir<br />
une distinction : il y a des fonctionnaires<br />
du gouvernement, préfets, sous-préfets, commissaires<br />
de police; ceux-là renoncent à leur<br />
liberté politique ; ils appartiennent au pouvoir<br />
qui les a choisis et qu'ils ont promis de servir.<br />
Mais les magistrats, les employés des finances,<br />
les ingénieurs et ouvriers de nos routés, de<br />
nos canaux et de nos ports sont des serviteurs<br />
de la nation et non du gouvernement; ils font<br />
partie du peuple, ils sont le peuple, et la formule<br />
iranchante de M. Poincaré ne saurait leur<br />
être appliquée.<br />
Maintenant de quel côté devrons-nous classer<br />
les instituteurs? Point de doute possible si la<br />
liberté d'enseignement était sincèrehient pratiquée.<br />
Les instituteurs ne seraieat en aucune<br />
façon des agents du gouvernement. Ce nom ne<br />
pourrait convenir à ces auxiliaires et amis des<br />
familles, rémunérés par les communes, et<br />
seulement surveillés par l'Etat au point de vue<br />
de la salubrité de la classe et de la moralité de<br />
l'eiïseignement.<br />
Mais (puisque vous me demandez de parler<br />
en toute franchise) ne voyez-vous pas, mon<br />
cher collègue, que dans l'école, telle que votre<br />
parti et vous-même l'avez comprise, l'instituteur<br />
est devenu un fonctionnaire, agent de l'Etat?<br />
— Il y a une école officielle, seule rémunérée,<br />
seule encouragée, seule protégée par l'Etat. —<br />
Il est interdit aux communes d'en subventionner<br />
une autre. — Les lois que vous préparez<br />
châtieront toute offense, non pas commise<br />
contre l'école en général (ce qui serait approuvé<br />
de tout le moDde), mais commise contre la seule<br />
école laïque. Peu importent les au'res écoles!<br />
Qu'elles s'arrangent! L'Etat ne leur doit rien.<br />
Vous n'osez pas interdire, mais par tous les<br />
moyens, vous essayez de ruiner l'école libre :<br />
le moyen le plus etficace a été d'ôter le droit<br />
d'enseigner aux maîtres faisant partie d'une<br />
congrégation religieuse.<br />
Vous avez donc créé un enseignement d'Etat,<br />
dont vous av^z pris soin de définir l'esprit, qui<br />
est celui du gouvernement, et auquel toutes les<br />
faveurs de l'Eiat sont exclusivement réservées.<br />
Cela étant, il est naturel que l'Etat considère<br />
les maîtres qui donnent cet enseignement officiel<br />
comme ses employés. Non, certes, ils ne<br />
pourront pas se mêler de politique sinon de<br />
celle du gouvernement. Ils sont fonctionnaires,<br />
ils ne sont pas le peuple. M. Poincaré l'a dit:<br />
et laissez-moi vous le rappeler, c'est vous qui<br />
l'avez voulu.<br />
Ah! combien au contraire nos instituteurs<br />
maîtres de leur enseignement, libres dans leur<br />
vocation ou laïque, ou religieuse, appelés par<br />
les familles,choisis par les conseils municipaux,<br />
ne devant fournir à l'Etat que deux seu es garanties<br />
: salubrité, moralité; ne relevant ni des<br />
députés ni des préfets ; nombreux, rivaux au<br />
besoin, et animés d'une émulation bienfaisante<br />
— combien nos instituteurs, placés dans des<br />
conditions si différentes de cellesque vous avez<br />
ordonnées, seraient légitimement exempts de<br />
la discipline des fonctionnaires ! Qui doue<br />
oserait alors ne pas les appeler le peuple ?<br />
Vous avez préféré enrégimenter au service de<br />
l'Etat les maîtres de l'école officielle : c'était<br />
une pensée plus impériale que républicaine.<br />
Or, tous les avantages ne sont pas conciliables.<br />
Chacun fait place au régiment qui passe; chacun<br />
le salue; mais aussi est-il tenu de porter<br />
des couleurs uniformes, et de marcher au pas.<br />
Recevez, mon cher collègue, d'un adversaire<br />
déclaré, l'expression d'une haute et parfaite estime.<br />
DRNYS COCHIN.<br />
Opinion de M. F. BOUFFAN<strong>DE</strong>AU,<br />
Député de l'Oise.<br />
L'intervention des hommes politiques, comme<br />
l'arbitraire administratif, dont on parle aussi,<br />
cause moins d'injustices que de doléances et de<br />
polémiques. Tous ceux qui éprouvent des mécomptes<br />
et ont des déboirps s'en prennent à la<br />
politique, ou à leurs chefs, sinon aux deux à la<br />
fois. Que ne font-ils leur examen de conscience<br />
parfois !<br />
Instituteur, professeur, inspecteur primaire,<br />
directeur d'école normale, je n'ai jamais constaté<br />
que moi ou mes collaborateurs ayons eu