Le peuple de l'eau.pdf - Au diable vauvert
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montagnes d’ordures», à savoir faire disparaître avec une<br />
patience <strong>de</strong> fourmi les ruines <strong>de</strong>s anciennes cités ainsi que les<br />
cimetières d’engins et d’obus à tête nucléaire abandonnés par<br />
la Troisième Guerre mondiale. Ils ne possédaient pas d’autres<br />
armes que leurs pioches en pierre, leurs fourches et leurs râteaux<br />
en bois, mais, vivant sur <strong>de</strong>s terres désolées, ils avaient pour<br />
seuls ennemis l’humidité, le froid, les nuées d’insectes et les<br />
hor<strong>de</strong>s <strong>de</strong> chiens sauvages. En échange <strong>de</strong> l’eau potable, introuvable<br />
sur leur territoire et qu’ils stockaient dans d’immenses<br />
tonneaux en bois, ils fournissaient aux Aquariotes <strong>de</strong>s légumes,<br />
<strong>de</strong>s œufs, <strong>de</strong> la vian<strong>de</strong> séchée, <strong>de</strong>s peaux, <strong>de</strong> la laine <strong>de</strong> mouton<br />
et une farine d’une variété <strong>de</strong> blé au goût âpre qui poussait<br />
en maigre quantité sur les terres sablonneuses du littoral.<br />
« <strong>Le</strong>s chiens ne suffisaient pas, il nous faut maintenant<br />
compter avec les oiseaux, une espèce particulièrement féroce<br />
<strong>de</strong> charognards. Ils s’abattent par centaines sur nos troupeaux,<br />
sur nos poulaillers, sur nos récoltes.»<br />
Assis dans un recoin <strong>de</strong> la tente où s’étaient réunis les douze<br />
Sheulns et les six pères et mères du <strong>peuple</strong> aquariote, Solman<br />
percevait l’o<strong>de</strong>ur âcre qui suintait <strong>de</strong>s vêtements <strong>de</strong> laine et<br />
<strong>de</strong> cuir <strong>de</strong>s visiteurs et dominait les senteurs diffusées par les<br />
encensoirs suspendus. Dehors, les lueurs dansantes <strong>de</strong>s braseros<br />
ne parvenaient pas à repousser la nuit noire, glaciale,<br />
désespérante; les hurlements d’un vent mauvais emportaient<br />
le ronronnement <strong>de</strong>s pompes qui transvasaient l’eau dans les<br />
tonneaux posés sur les charrettes. Par-<strong>de</strong>ssus le dossier <strong>de</strong> son<br />
fauteuil, Gwenuver gratifia Solman d’un regard en coin qui<br />
signifiait: «Tu vois que j’ai eu raison, les oiseaux ne peuvent<br />
pas se manger entre eux, tu comprends maintenant que les<br />
affirmations <strong>de</strong> Raïma ne sont que <strong>de</strong>s divagations d’une<br />
pauvre folle rongée par la maladie…»<br />
L’homme qui venait <strong>de</strong> prononcer ces mots avec un épouvantable<br />
accent semblait le plus âgé avec sa longue barbe<br />
blanche, les ri<strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>s qui lui hachaient le visage et<br />
les taches brunes qui lui par semaient les mains. Entre eux les<br />
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