Le peuple de l'eau.pdf - Au diable vauvert
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<strong>Le</strong>s Derniers Hommes<br />
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effrayé, dans la pénombre d’une tente. Il se souvint que les<br />
Albains tenaient cloîtrées leurs femmes et leurs filles pubères<br />
jusqu’à la tombée <strong>de</strong> la nuit, une coutume héritée <strong>de</strong> l’ancien<br />
temps à laquelle ils n’avaient jamais renoncé malgré les<br />
mises en <strong>de</strong>meure réitérées du conseil général <strong>de</strong>s <strong>peuple</strong>s.<br />
Un remugle d’étable l’avertit qu’il approchait d’un campement<br />
<strong>de</strong> noma<strong>de</strong>s qui, comme les Sheulns, se déplaçaient à<br />
bord <strong>de</strong> chariots bâchés tirés par <strong>de</strong>s attelages, <strong>de</strong>s chevaux,<br />
<strong>de</strong>s bœufs mais aussi <strong>de</strong>s lamas et <strong>de</strong>s dromadaires. Ceux-là,<br />
les Ariotes, utilisaient davantage d’eau que les autres pour<br />
abreuver leurs bêtes et, donc, fournissaient d’importantes<br />
quantités <strong>de</strong> nourriture et <strong>de</strong> produits <strong>de</strong> première nécessité<br />
au <strong>peuple</strong> aquariote. Dans une semaine, ils se lanceraient sur<br />
les pistes poussiéreuses d’Espagne en direction du Sud puis, à<br />
peine arrivés, ils <strong>de</strong>vraient rebrousser chemin pour participer<br />
au prochain rassemblement. <strong>Le</strong> désert avait débordé du cadre<br />
<strong>de</strong> l’Afrique du Nord pour s’étendre à toute la péninsule ibérique,<br />
hormis sur la côte atlantique où la fraîcheur marine avait<br />
préservé un marais verdoyant d’environ cinquante kilomètres<br />
<strong>de</strong> largeur. Un garçon d’une quinzaine d’années avait un jour<br />
expliqué à Solman que cette frange à la fois dérisoire et essentielle<br />
abritait les troupeaux sauvages et constituait la seule<br />
richesse <strong>de</strong>s Ariotes. Son regard s’était enfiévré lorsqu’il avait<br />
évoqué la saison <strong>de</strong>s chasses, les chevaux ou les dromadaires<br />
lancés au triple galop <strong>de</strong>rrière les vaches noires, vives, dangereuses<br />
quand elles se sentaient traquées, les tourbillons <strong>de</strong><br />
poussière, l’o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> sueur et <strong>de</strong> sang, les cavaliers munis <strong>de</strong><br />
piques qu’ils <strong>de</strong>vaient plonger entre les vertèbres <strong>de</strong> leur proie<br />
pour atteindre le cœur. Ils possédaient <strong>de</strong>s armes à feu comme<br />
tous les noma<strong>de</strong>s, fusils d’assaut, pistolets, revolvers, mais leur<br />
tradition leur interdisait <strong>de</strong> s’en servir pendant les battues. Sans<br />
cesse obligés <strong>de</strong> se déplacer pour laisser aux troupeaux le temps<br />
<strong>de</strong> se régénérer, ils boucanaient les quartiers <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> qu’ils<br />
enrobaient ensuite <strong>de</strong> miel pour allonger leur durée <strong>de</strong> conservation.<br />
<strong>Le</strong> torse bombé, le garçon avait affirmé que, pour sa