Le peuple de l'eau.pdf - Au diable vauvert
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<strong>Le</strong>s Derniers Hommes<br />
52<br />
expression, pour respecter la mère terre, pour ne pas la piller<br />
ou la salir comme les hommes <strong>de</strong> l’ancien temps. <strong>Le</strong> voyage<br />
leur permettait <strong>de</strong> se régénérer, d’entretenir leur fraîcheur<br />
mentale, leur réceptivité. <strong>Le</strong>s empêcher <strong>de</strong> se déplacer, c’était<br />
les condamner à perdre leur pouvoir et, à terme, condamner<br />
les <strong>peuple</strong>s noma<strong>de</strong>s à mourir <strong>de</strong> soif ou d’empoisonnement.<br />
Solman s’enfonça dans le cœur du campement. Il s’était<br />
élancé sur un coup <strong>de</strong> tête, avant tout pour lutter contre une<br />
sensation d’impuissance suffocante, mais il n’avait pas la<br />
moindre idée <strong>de</strong> la conduite à suivre pour prévenir les guetteurs<br />
et les chauffeurs, pour rassembler les énergies éparpillées.<br />
<strong>Le</strong> crachin imprégnait et alourdissait ses vêtements <strong>de</strong> cuir.<br />
Il n’avait pas parcouru trente mètres que déjà, sa jambe tordue<br />
commençait à l’élancer. <strong>Le</strong>s chiens se contentèrent <strong>de</strong> grogner<br />
et <strong>de</strong> montrer les crocs sur son passage. Il aperçut un petit<br />
garçon qui, perché sur le capot d’un camion, essayait désespérément<br />
<strong>de</strong> grimper sur la plate-forme d’une cabine, trop haute<br />
pour ses petits bras. D’autres enfants et <strong>de</strong>s adultes se tenaient<br />
en équilibre sur le faîte <strong>de</strong>s citernes, agrippés aux barres transversales<br />
scellées dans le métal et espacées <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mètres.<br />
<strong>Le</strong>urs visages se découpaient comme <strong>de</strong>s astres pâles et fuyants<br />
sur le fond <strong>de</strong> ténèbres. L’attaque <strong>de</strong> la hor<strong>de</strong> n’avait pas<br />
seulement désorganisé le campement, elle avait brisé en<br />
un éclair la cohérence et la solidarité du <strong>peuple</strong> aquariote,<br />
elle avait renvoyé chacun à ses terreurs immémoriales, à ses<br />
démons individualistes. <strong>Le</strong>s <strong>peuple</strong>s noma<strong>de</strong>s avaient rejeté<br />
les valeurs <strong>de</strong> l’ancienne civilisation technologique, mais ils<br />
continuaient d’être gouvernés par la pire d’entre elles, celle<br />
qui avait conduit à tous les abus, à tous les désastres: la peur<br />
<strong>de</strong> la mort.<br />
Un chien surgit <strong>de</strong>s roues d’un camion et se dressa <strong>de</strong>vant<br />
Solman. L’espace d’une minute, une éternité dans les circonstances,<br />
le fauve et le donneur restèrent face à face, immobiles.<br />
La gueule ouverte, les crocs dégagés, la langue pendante, le<br />
chien parsemait sa respiration haletante <strong>de</strong> gron<strong>de</strong>ments