Le peuple de l'eau.pdf - Au diable vauvert
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menaçants. Des gouttes <strong>de</strong> sang étoilaient son poitrail et son<br />
museau sombres. Ses yeux avaient l’éclat blessant <strong>de</strong> pierres<br />
noires. Plus massif, plus musculeux que ses congénères, il<br />
dégageait une puissance phénoménale, mais ce n’est pas cette<br />
sensation <strong>de</strong> force brute, pourtant terrifiante, qui frappa<br />
Solman. Il avait l’étrange impression <strong>de</strong> se retrouver <strong>de</strong>vant<br />
un être… intelligent, <strong>de</strong>vant un égal. Il lisait, dans son regard,<br />
une expressivité qu’il n’avait jamais remarquée chez les autres<br />
chiens sauvages ou chez n’importe quel autre animal, il percevait<br />
une intention, <strong>de</strong>rrière le paravent <strong>de</strong> l’instinct, un<br />
arrière-plan, comme chez les êtres humains que le conseil<br />
aquariote lui <strong>de</strong>mandait <strong>de</strong> son<strong>de</strong>r. Et ce qu’il captait dans<br />
l’esprit du molosse lui faisait froid dans le dos: la hor<strong>de</strong> ne<br />
s’était pas abattue sur le campement pour assouvir sa faim<br />
mais parce que quelqu’un lui avait confié la mission d’y semer<br />
la terreur et la mort. Quelqu’un avait transformé ces fauves<br />
en soldats disciplinés et déclaré une guerre sans merci aux<br />
Aquariotes – et sans doute à l’ensemble <strong>de</strong>s <strong>peuple</strong>s noma<strong>de</strong>s.<br />
Solman se secoua pour chasser l’humidité qui se déposait<br />
dans ses cheveux et ses vêtements. <strong>Le</strong> molosse laboura le sol<br />
<strong>de</strong> ses griffes, puis poussa un long hurlement. Un chœur<br />
étourdissant <strong>de</strong> jappements lui répondit. Quelque part sur la<br />
gauche retentit le claquement caractéristique d’une portière.<br />
Tout à coup, <strong>de</strong>s phares projetèrent dans la nuit <strong>de</strong>ux faisceaux<br />
éblouissants qui révélèrent un spectacle <strong>de</strong> désolation, <strong>de</strong>s<br />
corps mutilés, <strong>de</strong>s mares <strong>de</strong> sang, <strong>de</strong>s organes et <strong>de</strong>s membres<br />
éparpillés. <strong>Le</strong>s yeux <strong>de</strong>s chiens flamboyèrent dans les recoins<br />
d’obscurité, comme si <strong>de</strong>s centaines d’ampoules s’étaient allumées<br />
en même temps. Une première rafale dégringola d’une<br />
plate-forme, suivie d’autres, <strong>de</strong>s balles crépitèrent sur la terre,<br />
ricochèrent sur les tôles, miaulèrent autour <strong>de</strong>s tentes et <strong>de</strong>s<br />
remorques.<br />
<strong>Le</strong> molosse bâilla, poussa un second hurlement, plus aigu,<br />
puis après avoir enveloppé Solman d’un regard énigmatique,<br />
se fondit dans la nuit. Se faufilant avec une agilité étonnante<br />
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