Le peuple de l'eau.pdf - Au diable vauvert
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<strong>Le</strong>s Derniers Hommes<br />
62<br />
Elle s’essuya le visage avec un coin du drap.<br />
«Je pensais qu’ils se retourneraient contre moi mais, quand<br />
ils en ont eu assez <strong>de</strong> jouer avec le cadavre <strong>de</strong> Rilvo, ils n’ont<br />
pas cherché à se glisser sous la remorque, ils se sont éloignés,<br />
comme si je ne les intéressais pas. J’ai eu assez <strong>de</strong> forces pour<br />
déchirer un bout <strong>de</strong> tissu et le presser sur ma blessure, puis<br />
j’ai attendu, attendu… J’entendais les aboiements <strong>de</strong>s chiens<br />
tout autour, les hurlements <strong>de</strong> ceux qu’ils étaient en train<br />
<strong>de</strong>… Mon Dieu, comme le temps m’a paru long! Je croyais<br />
être déjà morte, tombée dans ce puits <strong>de</strong> souffrance qu’est<br />
l’enfer <strong>de</strong>s chrétiens.<br />
— Tu es bien vivante, heureusement!»<br />
La voix <strong>de</strong> Solman s’était étranglée d’émotion. Elle se<br />
pencha sur le côté, posa le bol sur le plancher, le saisit par le<br />
poignet, l’attira sur le lit et l’embrassa avec une douceur<br />
étrange, mélancolique.<br />
«Est-ce que tu seras toujours heureux <strong>de</strong> me savoir en vie,<br />
Solman?»<br />
Il se recula, interloqué par l’intensité soudaine <strong>de</strong> son<br />
regard.<br />
«Pourquoi tu dis ça?<br />
— Je connais les hommes…<br />
— Je ne suis pas un homme comme les autres, c’est toi qui<br />
l’as dit.»<br />
Elle eut un petit sourire amer qui plissa ses yeux et souligna<br />
la lassitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ses traits.<br />
«Pour certaines choses, je crois que tu leur ressembles un<br />
peu trop…»<br />
Mal à l’aise, Solman se releva et posa le front sur l’une <strong>de</strong>s<br />
vitres latérales.<br />
La caravane se rapprochait <strong>de</strong> la région <strong>de</strong> France à en juger<br />
par les teintes plus vives, plus gaies, <strong>de</strong> la plaine qui se<br />
dépouillait peu à peu <strong>de</strong> sa houppelan<strong>de</strong> <strong>de</strong> brume. <strong>Le</strong> soir,<br />
les campements se montaient dans le silence du <strong>de</strong>uil, à peine<br />
troublé par les coups <strong>de</strong> maillet sur les piquets <strong>de</strong>s tentes, les