Revue Territoires 2030 n°4 - Datar
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Tableau 2. Les trois familles de scénarios d’avenir<br />
– Le scénario vert se caractérise par un décrochage<br />
atténué des quartiers, leur normalisation progressive<br />
(que ce soit en termes de pratique policière,<br />
de ségrégation ethnique ou de fiscalité) et la mise<br />
en œuvre d’une simplification importante des<br />
procédures. Un tel scénario vert dépend certainement<br />
pour beaucoup d’un environnement macroéconomique<br />
bien plus favorable, d’une atténuation<br />
des processus de ghettoïsation qui ne passe pas<br />
nécessairement par des investissements massifs,<br />
mais par une adaptation générale des services<br />
publics et, globalement, par le choix politique<br />
crucial de tout faire en faveur de la simplification<br />
des politiques, ne serait-ce que pour pouvoir en<br />
mesurer les résultats et, le cas échéant, en réaffecter<br />
les moyens.<br />
– Le scénario noir, au contraire, voit un décrochage<br />
accentué des quartiers sensibles, marqué par une<br />
ghettoïsation accélérée par rapport au mouvement<br />
actuel. La complexification des procédures,<br />
qui peut relever d’un éclatement généralisé, est<br />
alors telle qu’elle n’est même plus critiquée. Il<br />
est très peu probable que les quartiers soient<br />
un jour « abandonnés», disons « à l’américaine ».<br />
Au contraire, ils restent le centre de toute une<br />
série de dispositifs publics, plus ou moins alambiqués.<br />
Le problème n’est pas vraiment celui du<br />
décrochage des territoires, mais de la séparation<br />
des populations. Les tensions ethniques se font<br />
de plus en plus fortes. Il n’est pas utile de trop<br />
dépeindre ce scénario de la peur, ou de l’inacceptable<br />
(pour reprendre un vocabulaire traditionnel<br />
de l’ex-DATAR), mais ce n’est pas parce qu’il est<br />
politiquement inacceptable et socialement redoutable<br />
qu’il est foncièrement improbable.<br />
116 <strong>Territoires</strong> <strong>2030</strong><br />
Quartiers sensibles et politique de la ville<br />
<br />
Scénario « vert » Décrochage atténué Normalisation progressive Simplification décidée<br />
Scénario tendanciel Décrochage prononcé Ghettoïsation continuée Complexification décriée<br />
Scénario « noir » Décrochage accentué Ghettoïsation accélérée Complexification oubliée<br />
– Le scénario tendanciel n’est pas optimiste... Si l’on<br />
prolonge les tendances actuelles, le décrochage<br />
des quartiers est appelé à se prononcer davantage.<br />
La dynamique de ghettoïsation continuera à<br />
progresser, tout comme la complexification pourtant<br />
décriée. Le prolongement des dynamiques à<br />
l’œuvre constitue évidemment le scénario le plus<br />
simple à dessiner. Il est, de surcroît, souvent considéré<br />
comme le plus probable. Or, la prospective<br />
souligne l’importance des acteurs «locaux » dans<br />
la construction de l’avenir. Et en un mot, l’avenir<br />
des habitants des quartiers dépend, avant tout,<br />
d’eux-mêmes et de la manière dont ils sont – ou<br />
seront – pris en considération par les politiques<br />
publiques. Dès lors, si le scénario le plus probable<br />
est pessimiste, reste que l’avenir est encore à<br />
écrire. Les scénarios précédemment esquissés<br />
ne sont donc que des schémas destinés à baliser<br />
l’exploration des futurs possibles et, évidemment,<br />
à alimenter une réflexion stratégique.<br />
Au terme de ce rapide balisage, revenons sur un<br />
des leitmotive lancinants de la politique de la ville<br />
et des quartiers sensibles : la participation des<br />
habitants. On l’a compris, la politique des quartiers<br />
sensibles aime les mots, les sigles, les incantations<br />
et les échanges dialectiques. Dès lors tout<br />
est bon pour les quartiers sensibles: un traitement<br />
tiraillé entre le spatial et le social, un État contemporain<br />
perdu entre le supranational européen et<br />
l’infranational local, une politique qui ne sait plus<br />
s’il faut cibler les habitants ou l’habitat, une action<br />
publique qui, depuis leur mise à l’honneur par<br />
les travaux de Jacques Donzelot, hésite entre les