Revue Territoires 2030 n°4 - Datar
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34 <strong>Territoires</strong> <strong>2030</strong><br />
La prospective territoriale est-elle utile pour la politique de la ville ?<br />
contre les ségrégations ou favoriser l’intégration<br />
économique et culturelle des populations des<br />
quartiers sensibles ? Plutôt les aider à se déplacer,<br />
à quitter leurs quartiers parce que l’intégration se<br />
joue ailleurs, ou bien améliorer leurs conditions de<br />
vie sur place, les reloger localement au risque de<br />
perpétuer indéfiniment un effet ghetto ?<br />
Il est facile d’imaginer que la nature des réponses<br />
détermine des politiques à long terme de logement,<br />
de transport, d’emploi, d’aide à l’intégration...<br />
qui ne vont pas dans le même sens et tout<br />
aussi facile de concevoir que les « gouvernances »<br />
et les logiques de planification à cette échelle ne<br />
permettent pas de poser ce type de questions.<br />
Cette carence structurelle du questionnement et<br />
l’absence corrélative de lignes stratégiques et<br />
de logiques d’action alternatives expliquent la<br />
faiblesse d’une prospective qui n’est pas perçue<br />
comme un levier pour sortir d’un système d’action<br />
local figé. Inversement, le risque d’incantation<br />
est considérable : nombreux sont ceux qui rêvent<br />
d’une prospective dégagée du cadre des procédures<br />
qui surdéterminent les réponses à des<br />
questions mal posées, pour laisser la place à une<br />
prospective ouverte à la confrontation de visions<br />
différenciées et à des constructions systémiques<br />
complexes conjuguant pauvreté et précarité,<br />
cohésion sociale, solidarités entre territoires et<br />
générations, dans le sens de politiques urbaines<br />
de développement et d’aménagement durables.<br />
Une telle perspective est-elle envisageable, du<br />
moins là où les conditions de gouvernance ne<br />
s’y opposent pas ou bien la politique de la ville<br />
est-elle condamnée, dans le cadre d’un système<br />
globalement ségrégatif, à rester une affaire de<br />
court terme et une question locale de quartiers ?<br />
L’évolution de la politique de la ville et du logement,<br />
depuis les premiers programmes de développement<br />
social des quartiers (DSQ), ne s’est jamais<br />
appuyée sur des visions à long terme collectivement<br />
construites. L’urgence, ici et maintenant, pour<br />
améliorer les conditions de vie quotidienne dans<br />
les quartiers sensibles, le poids de la précarité, les<br />
difficultés d’emploi et d’insertion, a jusqu’à présent<br />
dispensé les politiques et les chercheurs de regarder<br />
loin et large pour dégager les finalités de l’action.<br />
Nul besoin de raisonner sur l’avenir puisque l’avenir<br />
est censé se construire à partir des politiques et des<br />
remèdes qui font face à l’acuité des difficultés et<br />
des tendances à l’œuvre rythmées par les « crises<br />
urbaines ». L’analyse et la compréhension des situations,<br />
des tendances, la recherche sur les changements<br />
de comportements, l’évaluation, etc., ont<br />
influé, sans réorientation radicale, sur cette évolution<br />
et sur la recherche de nouveaux objectifs, c’est le cas<br />
dans une moindre mesure de la prospective.<br />
En distinguant les deux pôles constitutifs de la<br />
politique de la ville, un pôle social pour les champs<br />
de l’emploi, de l’insertion, de la formation et de<br />
l’éducation, de l’action sociale, de la santé, de la<br />
délinquance et de la sécurité..., et un pôle urbain<br />
autour de la transformation physique de la ville, le<br />
soft et le hard, on constate une forte différenciation<br />
de logiques par les échéances.<br />
L’aménagement : réaliser ou élargir des rues,<br />
recomposer les espaces publics, démolir ou<br />
rénover des bâtiments, construire des habitations,<br />
des équipements, des activités, procède de logiques<br />
d’action (réflexions d’urbanisme, stratégies<br />
foncières, conception d’un projet d’ensemble et<br />
de projets spécifiques, processus de financement<br />
et de commercialisation, mise en œuvre opérationnelle...)<br />
qui portent sur plusieurs années (dix, vingt<br />
ans ou davantage) pour les projets urbains les plus<br />
complexes, avec en aval de la mise en œuvre du<br />
projet, plusieurs décennies pour permettre à la<br />
ville d’évoluer et de se structurer socialement,<br />
économiquement, culturellement.<br />
Les transformations majeures de la ville d’aprèsdemain<br />
se préparent et se conçoivent aujourd’hui<br />
et se mettent en œuvre demain. Les conditions<br />
sociales, écologiques et économiques subiront<br />
dans le même temps une transformation<br />
complète. Elles seront « toutes choses inégales<br />
par ailleurs » et de plus en plus imprévisibles. Face<br />
à ces incertitudes, le processus de projet urbain et<br />
d’organisation spatiale de la ville peut apparaître<br />
comme une bouée stable.