Revue Territoires 2030 n°4 - Datar
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La prospective au Royaume-Uni face au défi des territoires urbains sensibles<br />
L’indice des modes<br />
de vie locaux (index<br />
of local conditions)<br />
Le ministère de l’Équipement a développé une<br />
approche plus technique pour mettre à jour son<br />
indice en commanditant des équipes de recherche<br />
des universités de Manchester et de Newcastle. Le<br />
choix des indicateurs qui permettent de produire<br />
l’indice devait aborder les principales dimensions<br />
de la pauvreté. Ces indicateurs étaient faciles à<br />
comprendre et ne se recoupaient pas (DOE, 1994).<br />
Par exemple, l’analyse factorielle de nombreuses<br />
variables a permis d’identifier une sous-population<br />
d’indicateurs du recensement de 1991 qui<br />
permettent d’expliquer la majeure partie de la<br />
variation en termes de pauvreté dans sa dimension<br />
spatiale. Cette recherche préalable a permis d’éliminer<br />
les doublons (deux variables qui mesurent<br />
le même phénomène) et d’obtenir ainsi le meilleur<br />
ensemble de variables pour la construction de<br />
l’indice. Notons que les mesures « indirectes » de<br />
la pauvreté (familles monoparentales, retraités et<br />
groupes ethniques) furent retirées du calcul de<br />
l’indice. En effet, l’exclusion des ces « groupes à<br />
risques » se justifiait par le fait que les membres de<br />
ces groupes seraient repérés par des indicateurs<br />
plus directs tels que le chômage ou l’assistance<br />
financière (income support).<br />
La force de l’indice des modes de vie locaux résidait<br />
dans la hiérarchie des échelles spatiales permettant<br />
la mesure de la pauvreté : la collectivité locale<br />
(district), la circonscription électorale (ward) et l’îlot<br />
(enumeration district). Un indice synthétique a été<br />
produit à l’échelle du district (mesure le degré de<br />
la pauvreté) alors que l’étendue (nombre de wards<br />
parmi les plus pauvres à l’échelle nationale) et la<br />
concentration de la pauvreté (pourcentage de la<br />
population d’un district dans les wards les plus<br />
pauvres à l’échelle nationale) mesurent différents<br />
aspects de la concentration et la vulnérabilité à la<br />
pauvreté.<br />
L’indice devait aller au-delà du simple exercice<br />
technocratique. Si cet indice cherchait à déter-<br />
56 <strong>Territoires</strong> <strong>2030</strong><br />
miner les décisions en matière de dépenses<br />
gouvernementales, le ministère de l’Équipement<br />
devait créer le consensus maximum autour de<br />
celui-ci. En effet, les questions de mesure et de<br />
prospective, considérées comme un exercice technique,<br />
représentent aussi un exercice éminemment<br />
politique. Du point de vue des autorités locales, le<br />
« meilleur » indice est celui qui place la localité<br />
« en haut de la liste », c’est-à-dire en position<br />
d’obtenir le maximum de financements. Ont été<br />
alors développées une convention détaillée ainsi<br />
qu’une stratégie de consultation qui ont permis<br />
de discuter des premières propositions entre les<br />
autorités locales, les agences gouvernementales<br />
et les autres partenaires dont les associations<br />
locales. Cet exercice démocratique et technocratique<br />
correspond à une avancée certaine par<br />
rapport au « Z score » de 1981.<br />
Cependant, les problèmes inhérents à l’indice<br />
des conditions de vie locales demeurent : il n’y<br />
a pas de validation extérieure de l’indice par un<br />
autre modèle de la pauvreté. Par exemple, on<br />
n’a pas eu recours aux données de niveau micro<br />
pour s’assurer des facteurs les plus prégnants<br />
au niveau des ménages et de l’impact du lieu<br />
de vie dans l’expérience de la pauvreté. Par<br />
conséquent, aucune variable ne fut pondérée, et<br />
un degré élevé d’autocorrélation spatiale a été<br />
constaté. Alors qu’un indicateur de pauvreté<br />
environnementale a été mesuré par la variable<br />
proxy « enfants qui logent en appartement »,<br />
cette variable a biaisé les résultats qui portent<br />
sur Londres : à Londres, une part importante de la<br />
typologie urbaine est composée d’appartements,<br />
et une forte proportion d’enfants habitent alors<br />
en appartement, quel que soit leur statut social.<br />
Ainsi, un tiers des wards les plus pauvres étaient<br />
localisés à Londres, selon l’indice des conditions<br />
de vie locales, alors que des mesures indépendantes<br />
menées par Lee, Gordon et Murie (1995)<br />
à partir des travaux de Carstairs et Morris (1991),<br />
et de ceux de Forrest et Gordon (1994) concluent<br />
qu’entre 13 % et 22 % des wards les plus pauvres<br />
se situent à Londres.