Revue Territoires 2030 n°4 - Datar

Quinze démarches de prospective territoriale et quelques enseignements
Conclusion :
quelques pistes pour
entrer en prospective
À chaque territoire,
son rapport à l’avenir
La prospective est avant tout un moyen de parler
du territoire sur et par lequel elle est mise
en œuvre. Dans une part significative des cas
observés, elle contribue à actualiser le grand récit
intégrateur et porteur de sens pour les acteurs
du territoire concerné. C’est à cet égard que
les expériences lyonnaises et basques assument
pleinement leur statut d’exemples. La prospective
a contribué à surmonter les blocages et à adosser
aux « réalités » de ces territoires les besoins et les
objectifs renouvelés de ses acteurs.
Une première piste pour entrer en prospective
est rétrospective : elle consiste à comprendre le
rapport que les acteurs d’un territoire ont construit
face au futur. Pour prolonger la pensée de l’avenir
il faut d’abord mener un travail de mémoire qui
a le triple avantage de repérer ce qui a déjà été
fait, de recenser les scènes d’anticipation et d’évaluer
l’utilité de relancer, d’ajuster ou de modifier
profondément le récit territorial.
L’« impertinence
opérationnelle »
Les quinze démarches étudiées ont montré que
si elle regarde bien en direction de l’action, la
prospective ne se confond pas avec la stratégie.
L’acte stratégique exprime des choix cohérents
qui créent les conditions de sa mise en œuvre
alors que la prospective crée un rapport collectif
au futur d’autant plus riche qu’il est porteur de
contradictions et de controverses. La prospective
n’a ainsi aucune prétention divinatoire ou prophétique
et ne peut donc pas être évaluée à l’aune de
ce qui se passera, la stratégie si.
Une deuxième piste pour entrer en prospective
revient à exploiter la diversité des représentations
de l’avenir en toute liberté. La prospective a be-
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soin de décalage par rapport aux enjeux présents
pour assumer son devoir d’impertinence ou d’indiscipline,
comme le dit Michel Godet.
Mais la légitimité d’une démarche de prospective
tient dans sa qualité de charnière avec la
stratégie, qu’il s’agisse d’un processus d’aide à
la décision pour éclairer le stratège (prospective
modélisatrice ou préventive) ou d’une réflexion
anticipatrice pour enrichir les enjeux stratégiques
du mandat (prospective descriptive ou forum).
Une troisième piste pour entrer en prospective
tient à la robustesse des hypothèses sur lesquelles
la réflexion prospective se fonde et à la rigueur
des modalités de conduite d’une démarche
(budget, tableau de bord de suivi des étapes de
la démarche adossé au suivi des enjeux stratégiques
du mandat). Pour légitimer leurs travaux, les
chargés de prospective ont besoin d’en prouver
l’opérationnalité.
Tout artisan d’une démarche de prospective
doit composer avec les deux pistes qui viennent
d’être évoquées. Leur posture technique,
a priori paradoxale mais avec laquelle ils doivent
pourtant composer, est celle de l’« impertinence
opérationnelle ».
Mutualiser les savoir-faire
La quatrième piste interpelle les organismes susceptibles
de compiler et d’organiser les ressources
spécifiques à la prospective territoriale afin d’aider
les chargés de prospective dans leur mission.
Le cheminement emprunté par cette contribution
est un premier élément de mutualisation des
savoir-faire en prospective. La grille d’analyse
mise en application et les trois questions du délai,
du degré d’ouverture et de la proximité avec la
stratégie peuvent s’avérer utiles pour faire le choix
d’une forme de prospective en lien avec les outils
et les méthodes anticipatrices.
Précisément, le recueil des outils prospectifs est
un deuxième élément de mutualisation. Mais ce
travail a déjà été mené et il est très bien docu-