“ NOS CLIENTS SONT TOUS UNIQUES” - Alstom

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invité
adhésion sans réserve, ont été surpris
par ma position. Or, un rapport apaisé
au temps constitue à mon sens l’une
des clés de la sagesse. Notre rôle vis-à-vis
de la jeunesse notamment n’est-il pas
de savoir “contextualiser”, relativiser ?
Le temps n’est donc pas univoque ?
Loin de là. Je voudrais préciser les concepts
de fossé temporel et de temps réel. Les pays
occidentaux, très avancés dans le numérique,
ont creusé un fossé avec les pays dits
“en développement”. Sur la Terre, les peuples
vivent dans des bulles de temps différentes,
ne partagent pas la même approche de
la durée. L’Amérique du Nord est un continent
pressé : plus de profi ts, plus de notoriété,
plus de reconnaissance. Internet, Twitter,
Facebook, Dailymotion, YouTube… s’imposent
comme les symptômes de cet everything,
now ! Ce que je veux, tout de suite, à ma
guise. Gratifi cation de l’instant, emblématique
de la génération Internet. À l’inverse,
en Amérique du Sud ou dans certains pays
du Moyen-Orient, à une question sur l’horaire
du prochain bus, on répondra très simplement
qu’il passe “dans l’après-midi”… Quelle
différence avec le temps réel de nos pays
occidentaux et numérisés !
Comment défi niriez-vous ce fameux
temps réel ?
Cela revient à répondre à une sollicitation
avant son échéance… Une limite temporelle
qui peut être d’une milliseconde pour un
ordinateur, d’un jour ou d’un mois pour une
entreprise. Cette notion devient obsédante
pour nombre d’organisations. Certains
patrons mettent une pression considérable
sur leurs équipes, avec des “deadlines”
artifi cielles. Comme s’en amusait Alphonse
Allais : “Quand les bornes sont dépassées,
il n’y a plus de limites”. Grâce à l’ensemble
des outils disponibles aujourd’hui
– du smartphone à l’ordinateur en passant
par la téléconférence, la visioconférence –
tout devient temps réel. Si le concept s’avère
absolument indispensable pour lancer
une fusée ou réaliser un calcul complexe,
sa généralisation à toutes les activités
humaines relève à mon sens d’une grave
dérive. Elle renvoie d’ailleurs indirectement
à l’idée de capital temps.
En quoi l’idée de “capital temps” est-elle
majeure à vos yeux ?
Pour les humains, le temps s’écoule comme
du sable entre les doigts : image immémoriale
portée par les poètes et les philosophes.
C’est le temps de l’entropie, du deuxième
“ La vitesse est absolument essentielle dans nos
sociétés modernes. Elle participe d’une double dimension :
nécessité et plaisir.”
principe de la thermodynamique ou principe
de Carnot. Cette loi explique de manière
physique et mathématique que le ressort
de l’univers, remonté au moment du big bang,
se détend. L’énergie se dégrade, se raréfi e.
Dit autrement, l’entropie est augmentation
du désordre. L’omelette en est une belle
métaphore : il est impossible de reconstituer
des œufs entiers à partir d’œufs battus.
Pour notre univers, l’entropie est l’extinction
du soleil, puis de notre planète. Pour nous,
elle renvoie à notre mort programmée.
Il existe également un autre temps en forme
de cône inversé, théorisé pour partie par
Pierre Teilhard de Chardin, à travers le point
Omega. Très schématiquement, ce point
Omega pourrait s’apparenter à l’inverse du big
bang. Si ce dernier renvoie à une explosion
de l’énergie, lui relève d’une implosion de
l’esprit. Les deux vont dans un sens opposé.
D’un côté, l’entropie, vers le chaos croissant
et la destruction. De l’autre, la construction de
la pensée humaine vers l’organisation, l’art…
Pouvez-vous illustrer cette idée ?
Prenez l’exemple d’un feu sur une plage
que l’on fi lme : brasier, puis braises,
puis cendres… Le vent souffl e, les cendres