(1992) n°3 - Royal Academy for Overseas Sciences

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DISCUSSION
A. Lederer. — L’exposé de M. J.-J. Peters m ’a vivement intéressé, car j ’ai également
été dans les Andes, en Bolivie, pour examiner, avec notre confrère A. Sterling, les
problèmes de navigation sur le Rio Ichilo-M amore, qui se jette dans le rio Madeire,
lui-même un im portant affluent de l’Amazone.
Comme l’a signalé M. Peters, dans la plaine au pied des Andes, le sol est formé
d ’alluvions composées de pierres et de terres sans cohésion. Ce sol étant de qualité
médiocre, les arbres qui y poussent n ’ont pas de racine-pivot, mais au contraire, les
racines s’étalent près de la surface du sol. 11 en résulte que dans les nom breux méandres
de ces rivières à lit mal formé, à la rive concave, l’eau érode la terre sous les racines,
jusqu’au moment où des arbres entiers tom bent dans la rivière, form ant ainsi des
«snags». Avec des crues de 8 à 10 m de hauteur, c’est-à-dire deux à trois fois plus
fortes que dans le bassin du Zaïre, les troncs sont emportés vers l’aval et parfois
échouent dans la passe navigable, ou bien se groupent à plusieurs, form ant ce q u ’on
appelle des «palissades».
Certains Boliviens estiment q u ’il faut enlever tous ces obstacles de la rivière avant
d ’organiser la navigation. Ceci serait une tâche insurmontable, tant ils sont nombreux.
Comme au Zaïre, il suffit de tirer ceux qui sont vraiment gênants parce que situés
dans la passe de navigation ; ceux qui sont hors de la passe et ceux qui sont visibles,
peuvent être évités. Ayant parcouru environ 20 km sur l’Ichilo-M amore, j ’estime que
la navigation n ’y est pas plus difficile que sur la Lopori ou la M aringa au Zaïre.
Ce qui est déconcertant dans le réseau fluvial andin, c’est la vitesse du changement
de lit des rivières. Lors de la form ation des méandres avec des boucles d ’une dizaine
de kilomètres de longueur, même avec une faible pente de 6 cm / km, lorsqu’une boucle
se referme, raccourcissant la longueur de la rivière, il se forme une chute de l’ordre
de 60 cm ; l’eau peut heurter la rive opposée et créer ainsi un nouveau canal qui
peut rejoindre un bras d ’un autre méandre et form er ainsi un nouveau lit, tout à
fait différent.
M. Peters a exposé qu’on choisit un emplacement de port en un point dur de la
rive qui restera stable. Encore ne faut-il pas faire des travaux inopportuns qui risquent
d ’ensabler la zone portuaire. Il faut également examiner les alentours de l’emplacement
choisi, car il ne faudrait pas que le lit du fleuve se déplace derrière le noyau dur.
Citons le cas de la ville de Trinidad, qui était située sur la rive gauche de l’Ichilo-
M amore ; le lit de la rivière se déplaça, si bien q u ’en trois ans, Trinidad se trouva
sur la rive droite. Ceci est évidemment désastreux pour les équipements portuaires.
M entionnons encore que l’im portance des crues peut provoquer des changements
de sens de l’écoulement dans certains affluents. Tel est le cas au N apo, au Pérou,
qui se jette dans l’Ucayali un peu en aval d ’Iquitos ; la crue de l’Ucayali survient
alors que la N apo est en décrue, si bien que le flot du prem ier pénètre dans le second
et inverse le sens du courant pendant quelques semaines sur une certaine longueur.
Telles sont quelques considérations relatives à des différences im portantes avec les
fleuves africains dont les rives sont assez stables et dans lesquels, seuls des bancs de
sable peuvent se déplacer à une vitesse modérée.