(1992) n°3 - Royal Academy for Overseas Sciences
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ré<strong>for</strong>mes institutionnelles, au début de 1957. Au Congo, en tout cas, l’annonce d ’une<br />
telle politique aurait, à cette époque, répondu à une très large attente.<br />
Nul ne peut dire, bien entendu, comment la situation aurait ensuite évolué.<br />
M. H arroy porte un jugem ent sévère sur la politique des dirigeants belges pendant<br />
les derniers mois de 1959 et le premier semestre de 1960, période au cours de laquelle<br />
il rappelle que M. Pétillon ne fut plus associé aux affaires : il s’est agi, estime notre<br />
Confrère, d ’un «abandon scandaleux des politiciens belges», qui ne fut sans doute<br />
pas sans relations avec la crainte de devoir désormais soutenir matériellement une<br />
Colonie dont les finances publiques s’étaient gravement détériorées.<br />
M. Pétillon, nous l’avons vu en établissant la synthèse de ses œuvres, exprime lui<br />
aussi la <strong>for</strong>te conviction que l’octroi au Congo d ’une indépendance aussi précipitée<br />
fut une erreur, tout en ajoutant que cette attitude était peut-être devenue inévitable<br />
et, à partir d ’un certain moment, une sorte de moindre mal ( T.R., pp. 225, 330 note<br />
16, 345, 369-370). En revanche, il croit que les raisons des gouvernants d ’alors ne<br />
furent pas d ’ordre principalement économique et financier mais que si cela avait été<br />
le cas, ils se seraient trompés (T.R ., pp. 272-279, 330 note 19; C .M .A ., pp. 33-41,<br />
spécialement p. 37). Au fil de ses analyses, il évoque surtout, pour expliquer les décisions<br />
de 1960, une longue accumulation d ’erreurs et de carences imputables à tout le monde<br />
(T.R ., p. 20), la «frénétique fatalité» de l’anticolonialisme mondial (ibid., p. 225), la<br />
crainte d ’une «nouvelle guerre d ’Algérie» (ibid., p. 352), le manque d ’union des Belges<br />
(ibid., pp. 102, 352).<br />
À m a connaissance, les raisons réelles pour lesquelles le gouvernement belge décida,<br />
dès le début de la Table Ronde, d ’accorder au Congo son indépendance inconditionnelle<br />
moins de six mois plus tard, ne font encore l’objet d ’aucune certitude. Peut-être certaines<br />
autorités particulièrement bien in<strong>for</strong>mées pressentaient-elles une tentation de ce genre :<br />
c’est ainsi que le consul général des États-Unis éprouva la nécessité de me dire, juste<br />
avant mon départ pour Bruxelles, que ses autorités souhaitaient pour le Congo une<br />
marche rapide mais progressive vers l’autodéterm ination. Le témoignage personnel que<br />
je puis apporter est que, venu à la Table Ronde pour assurer la liaison entre le ministre<br />
De Schryver et le gouverneur général Cornelis, je ne fus mis en rien au courant de<br />
la décision qui se préparait. L’hypothèse sur laquelle je travaillais avec mes collaborateurs<br />
à Léopoldville et sur laquelle tout le monde travaillait à Bruxelles, avant l’ouverture<br />
de la Table Ronde, était celle des «pouvoirs réservés». Elle occupait tous les esprits,<br />
car tout le monde était conscient qu’il s’agissait de trouver, pour les pouvoirs que<br />
la Belgique continuerait à exercer pendant la phase d ’autonom ie qui allait se mettre<br />
en place, des solutions psychologiquement acceptables, assez sages pour être efficaces,<br />
assez évolutives pour contenir les impatiences. C ’est de cela en tout cas qu’il fut surtout<br />
question dans mes entretiens avec le Ministre et ses collaborateurs, avec les représentants<br />
des Affaires étrangères qui se préparaient à suivre la Conférence et avec bien d ’autres<br />
personnalités. À mon égard aussi, le secret du 30 juin — s’il y en avait un — fut donc<br />
bien gardé.<br />
Q uittant l’examen des faits qui ont marqué cette période, je voudrais dire enfin<br />
l’intérêt qui me paraît s’attacher à la suggestion de M. Drachoussoff de consacrer<br />
une plus grande attention à l’étude comparée des décolonisations d ’après-guerre.<br />
La question de savoir ce qui subsistera, chez les anciens colonisés, des actions<br />
colonisatrices passées ne pourra sans doute s’analyser que dans le beaucoup plus long<br />
terme : un Rom ain du Ve s., exam inant l’état de la Gaule de son époque, n’aurait