(1992) n°3 - Royal Academy for Overseas Sciences
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J. P. H arroy. — Bien que nos premiers contacts aient été difficiles, Léo Pétillon<br />
ayant mis plusieurs mois à admettre, malgré le caractère politique de m a nomination,<br />
que j ’étais venu au R uanda-U rundi en technicien uniquem ent pour servir, je n’ai jam ais<br />
eu qu’à me louer de l’attitude du G. G. à mon égard.<br />
Il surveillait sans les contrarier mes actes de gestion. Souvent il a très utilement<br />
et parfois courageusement soutenu mes points de vue dans des circonstances délicates.<br />
Progressivement, il a admis que, le Ruanda-U rundi étant un Territoire sous Tutelle,<br />
je corresponde de plus en plus souvent directement avec le Ministre des Colonies,<br />
en envoyant copie pour Leopoldville.<br />
Détail à ne pas perdre de vue : Léo Pétillon avait été de juillet 1949 à janvier 1952<br />
le brillant gouverneur du Ruanda-U rundi (Plan Décennal, ré<strong>for</strong>me des institutions<br />
politiques indigènes, cf. l’éloge de l’Abbé Alexis Kagame). Son cœ ur était resté au<br />
R.-U. qu’il jugeait «à la mesure d ’un homme», ce que le Congo n ’était pas.<br />
Seul cas de tiraillement entre nous : le «Statut des Villes» que, pour des raisons<br />
concernant le Congo, il voulait absolument voir adopté aussi par le R.-U. Ce projet<br />
de Décret, que j ’avais le pouvoir de rendre exécutoire chez nous, était rejeté, pour<br />
des motifs différents mais avec la même véhémence, par les deux Bami et leur entourage,<br />
de plus en plus nationalistes. Nous ne l’avons finalement pas rendu exécutoire.<br />
En ce qui concerne la pensée politique du G. G. Pétillon dont nous parlons aujo<br />
u rd ’hui, je puis affirmer que jam ais ses grandes idées n’ont été discutées entre nous.<br />
Je ferai exception pour un détail rem ontant à 1955.<br />
Le coup de tonnerre de Bandoeng ayant éclaté en avril 1955 (la période de mon<br />
arrivée), je pris le risque, à la fin de cette année, de citer devant les élèves d ’un petit<br />
séminaire rundi l’article 76 de la Charte des N ations Unies, où se lit : «... favoriser<br />
l’évolution progressive des populations vers la capacité de s’administrer elles-mêmes<br />
ou l’indépendance ...».<br />
Aussitôt in<strong>for</strong>mé de m on audace — son réseau d ’in<strong>for</strong>m ation fonctionnait très<br />
bien — le G. G. m ’infligea une séance de violents reproches dont il avait le secret.<br />
Je garde de cet incident un souvenir précis, que je ne détaillerai pas ici, mais où<br />
assimilation ni union avec la Belgique n ’apparaissaient à aucun mom ent, mais bien<br />
la conviction du G. G. de ce que la présence des Belges en Afrique centrale comme<br />
détenteurs du pouvoir politique allait être encore de très longue durée. Que l’on se<br />
souvienne de l’accueil qu’a reçu à cette époque le chiffre de trente ans du professeur<br />
Van Bilsen.<br />
Pour terminer sur un autre mode, j ’aborderai la question n° 12 (p. 141) du document<br />
Stenmans-Reyntjens : «La Belgique a-t-elle mal préparé le Congo à se diriger lui-même<br />
ou lui a-t-elle donné l’indépendance trop tôt ?».<br />
Je commencerai par rappeler que la pensée de Léo Pétillon analysée aujourd’hui<br />
concerne une période 1939-1958 où le Sénégal et ses Senghor n’étaient pas encore<br />
indépendants, ce qui donnait à penser que la Belgique administrerait encore pendant<br />
plusieurs décennies tant le Congo que le R uanda-U rundi (pensons à nouveau à J.<br />
Van Bilsen). Rares étaient ceux qui au moins jusque 1955 n’étaient pas de cet avis.<br />
Contexte à ne pas oublier.<br />
Pourquoi, d ’autre part, ne venons-nous pas de souligner que les plus grandes erreurs<br />
ou mauvaises actions commises par la Belgique au détrim ent du Congo l’ont été pendant<br />
les derniers mois de 1959 et le prem ier semestre de 1960, (surtout) époque où le G.<br />
G. Pétillon n’exerçait plus de responsabilités directes sur le cours des événements ?