(1992) n°3 - Royal Academy for Overseas Sciences
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Toujours à propos de cette période, M. Stengers <strong>for</strong>mule une autre remarque essentielle<br />
:<br />
Dans certains cas, même lorsque l’on se trouve intellectuellement sur la même longueur<br />
d’ondes que M. Pétillon, on a un peu le sentiment qu’ils (ses regrets) s’appliquent à ce<br />
qui, positivement ou négativement, n’était sans doute pas à l’époque dans l’ordre réel des<br />
possibilités.<br />
N otre confrère ne précise pas ici les regrets de M. Pétillon dont il craint qu’ils<br />
aient été vains. Sans doute vise-t-il notam m ent la définition officielle par la Belgique<br />
d ’une politique d ’association interne et externe, que M. Pétillon avait demandée au<br />
gouvernement dès 1956 et qui n’intervint, à son initiative, qu’au début de 1959. Une<br />
divergence de vues s’est déjà manifestée sur ce point entre les deux auteurs : M. Stengers<br />
a estimé, dans un article du Flambeau, que l’adoption en 1956 du plan de 30 ans<br />
de M. Van Bilsen aurait déchiré l’opinion belge et suscité l’opposition de la majeure<br />
partie des coloniaux, alors qu’en 1959 la nouvelle politique était devenue possible sans<br />
provoquer ces déchirements ; M. Pétillon a estimé de son côté, dans Témoignage et<br />
Réflexions, que l’adoption, en 1956, d ’une politique d ’origine privée proposant la<br />
retraite devant le nationalisme naissant eût été en effet impossible ; mais il ajoutait<br />
qu’il était devenu urgent en 1956, pour les pouvoirs publics, de définir une politique<br />
et que la seule possible, parce que la seule acceptable par tous à ce moment, était<br />
la politique d ’association, interne et externe (v. sur ce point : T.R., p. 238, point 10 ;<br />
pp. 424-425, note 9, ainsi que la référence à l’article de M. Stengers paru dans Le<br />
Flambeau, n° 7-8 de sept.-oct. 1959, p. 475).<br />
Seule une connaissance très précise des mentalités de cette époque perm ettra sans<br />
doute, plus tard, d ’y voir plus clair. Pour ma part, je voudrais présenter ici certains<br />
éléments dont l’ensemble me conduit à avoir sur cette question une opinion partiellement<br />
différente de celle de M. Stengers.<br />
En Belgique, il régnait à l’évidence un robuste conservatisme au sein des milieux<br />
dirigeants, économiques, politiques et administratifs, à l’égard de l’évolution politique<br />
du Congo. M. Pétillon l’a rappelé et décrit dans ses travaux. J ’en fis personnellement<br />
une expérience très éclairante lorsque je m’entendis affirmer, en 1956 précisément, par<br />
l’A dministrateur général des Colonies que le projet de statut des villes restait à l’étude<br />
et que rien ne pressait parce que, me dit-il sur le ton ferme mais amical du conseil<br />
paternel, «ce q u ’il faudra encore pendant longtemps au Congo, ce sont des routes,<br />
des champs, des écoles, des hôpitaux ; le reste n’est que de l’exaltation».<br />
Il n’empêche qu’il y avait aussi, et non pas en dehors, mais au sein même des<br />
milieux dirigeants, de même q u ’au sein des grands mouvements sociaux et dans les<br />
milieux religieux, des esprits qui s’interrogeaient sur l’évolution des colonies d ’Asie<br />
et d ’Afrique et qui étaient ouverts à une politique de mouvement. Écoutant avec<br />
sympathie J. Van Bilsen, ils ne le suivaient cependant pas aveuglément et désiraient<br />
réfléchir aux politiques à élaborer. Plusieurs de ces hommes se sont trouvés au gouvernement<br />
en 1959 et lors de la Table Ronde de 1960 ; d ’autres ont à tout le moins<br />
ébranlé, voire influencé certains ministres, de nature plus traditionnelle, qui participèrent<br />
au même gouvernement. Au Congo, nous connaissions assez mal ces cercles à la fois<br />
progressistes et prudents, mais nous savions qu’ils existaient et qu’ils gagnaient en<br />
influence. À Bruxelles, ceux qui servaient le gouvernement et ceux qui gravitaient<br />
autour de lui devaient les connaître beaucoup mieux que nous. Ces cercles, il est vrai,