1 - Institut français de l'éducation

PARTIE GÉNÉRALE *7?
Mais si les formes nouvelles de l'orthographe
ne peuvent être imposées sur l'heure, il
est de toute nécessité qu'elles soient tolérées.
Personne d'ailleurs, ou à peu près, n'y contredit
plus. Il ne faut plus que les enfants et les
candidats, sous peine de se voir refuser certificats,
diplômes, emplois publics, soient contraints,
à l'école et aux examens, de pratiquer
une orthographe illogique, arbitraire,
incohérente, d'écrire différemment des mots
qui ont même prononciation et même origine,
colonel et colonnade, frénésie et phrénologie,
et de la même façon des mots qui ont une
prononciation différente, échope et écho, chirurgien
et chiromancien.
Cet abus, que condamnent le bon sens, la
logique et la justice, et que l'Etat fait peser
sur la nation depuis un siècle, le ministre
entend le faire cesser : au régime de l'obligation,
de la tyrannie, il veut substituer le régime
de la tolérance.
Projet trop libéral peut-être pour que les
ennemis de la liberté et du progrès, unis à
ceux de la routine, ne l'attaquent pas de concert.
Mais la sagesse ne dit-elle pas : « Bien
faire et laisser dire. » Auguste RENARD.
LE DESSIN A L'ÉCOLE PRIMAIRE
(9" article.)
Comment on fera la classe.
Tout modèle, petit ou grand, individuel ou
collectif, doit être d'abord expliqué aux enfants.
Les leçons de choses, qui sont la base
de l'enseignement primaire et sont si bien pratiquées
dans les écoles, trouvent là leur application
naturelle. En plaçant un objet sous
les yeux des élèves, il faut 'leur dire à quoi il
sert, quelle place il occupe dans la nature ou
dans l'industrie humaine, comment ses formes
s'adaptent à son emploi. Mais à ces. notions
pratiques s'ajoute une autre question : celle de
l'art. Il ne s'agit pas ici de faire de l'esthétique
et d'employer de grandes phrases, mais de
faire comprendre "aux enfants la beauté propre
des choses et celle que leur donnent les jeux
de la lumière ; un fruit n'est pas seulement
utile et bon à manger, il est aussi bon à regarder
parce qu'il est joli de forme et de couleur;
une fleur est précieuse malgré son inutilité
apparente, parce qu'elle charme les yeux
et que son parfum est délicieux ; un simple
verre rempli,d'eau répand de la gaieté et de
la lumière quand le soleil le traverse ; un
chaudron de cuivre, une bassine à confitures
bien éclairée flamboie de touches lumineuses
qui amusent et réjouissent la vue. C'est en
partant de ces petites remarques que le maître
amènera les enfants à l'admiration d'un
coucher de soleil, d'une montagne ou d'un lac;
il éveillera en eux peu à peu le sens de l'observation
et le goût du beau.
Pendant l'exécution des dessins, le maître
se promènera souvent derrière les enfants,
leur donnera des indications, signalera leurs
erreurs et les guidera par de courtes explications.
Mais il s'abstiendra soigneusement de
prendre le crayon pour rectifier lui-même les
lignes fausses sur la feuille de l'élève : les
dessins retouchés par le maître n'ont aucune
valeur pédagogique; ils empêchent toute notion
des progrès accomplis et donnent aux enfants
l'habitude paresseuse d'attendre que le
professeur fasse pour eux ce qui leur semble
trop, difficile. On peut, au besoin, pour faire
saisir une -ligne mal comprise, la tracer au
tableau, mais à condition de l'effacer ensuite
pour en empêcher la copie. L'enfant doit s'habituer
à rechercher lui-même ses erreurs et à
les corriger.
Pour la composition décorative, le maître
trace au tableau le schéma, le dispositif linéaire
dans lequel les ornements doivent être
placés. Ces ornements sont laissés à l'initiative
de l'élève qui les inventera et les disposera luimême
: c'est la part d'imagination réservée à
l'enfant à qui il faut surtout éviter l'écueil de
la copie servile. Celui qui sera mal doué, incapable
de rien imaginer par lui-même, trouvera
des idées en voyant travailler ses camarades
et s'inspirera en regardant leurs dessins.
Tout travail doit avoir une sanction ; chaque
dessin sera coté par une note. Le maître
pourra faire la correction collectivement et publiquement
; c'est une très bonne méthode qui
a l'avantage d'intéresser les élèves au travail
les uns des autres. En les invitant à juger
eux-mêmes les œuvres les mieux réussies, on
développe leur sens critique en même temps
qu'on les met à même d'apprécier les qualités
de leurs camarades et leurs propres fautes. Le
maître conduit et dirige ce classement ; il explique
en quoi tel dessin est supérieur à tel
autre et quel mérite se cache quelquefois sous
des apparences peu flatteuses. Les enfants
trouvent dans ce classement auquel ils collaborent
un nouveau mobile d'émulation.
Il faut seulement empêcher les moqueries,
éviter que les faibles ne soient humilias et
trouver avec tact des raisons d'encouragement
pour les plus mauvais.
Dans certaines classes, on organise des expositions
temporaires des meilleurs dessins
d'élèves. L'installation est facile : il suffit de
trois ou quatre cadres passe-partout dans lesquels
on glisse les dessins ; c'est une grande
joie pour les élèves choisis et une salutaire
émulation pour les autres : cela forme une
sorte de cahier d'honneur et, en même temps,
c'est une façon très intéressante de décorer les
murs de la classe.
En dehors du dessin proprement dit, le maître
aura encore à diriger les petites illustrations
de devoirs ; il indiquera quels sont ceux
qui s'y prêtent le mieux, mais il mettra beaucoup
de discrétion et de modération dans ses
encouragements à ce genre d'exercices, afin de
ne pas compliquer la besogne de l'enfant. Il
lui fera comprendre que le dessin ne se sépare
pas des autres enseignements et lui inspirera
l'envie de faire de lui-même, pour son
plaisir, ce travail supplémentaire.
M. SBRVIER.