De la représentation et de l'usage de la musique - Association des ...
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PALABRES<br />
CULTURE & ARTS<br />
17 - L. S. Senghor, Anthologie<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> nouvelle poésie nègre <strong>et</strong><br />
malgache <strong>de</strong> <strong>la</strong>ngue française,<br />
Paris, Presses Universitaires<br />
<strong>de</strong> France, 1948.<br />
a priori les plus maléfiques. On<br />
connaît <strong>la</strong> suite malheureuse <strong>de</strong> ces<br />
<strong>de</strong>ux amoureux... Là n’est pas<br />
notre propos ; si les choses s’étaient<br />
passées pour eux comme c’était<br />
prévu, nous aurions pu dire <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
<strong>musique</strong> d’Orphée qu’elle possédait<br />
un pouvoir véritablement absolu<br />
puisque capable <strong>de</strong> ressusciter,<br />
<strong>de</strong> ramener à <strong>la</strong> vie <strong>de</strong>s êtres défunts,<br />
<strong>et</strong> ce au service <strong>de</strong> l’amour.<br />
Comment ne pas faire le lien<br />
entre l’antiquité grecque <strong>et</strong> <strong>la</strong> culture<br />
ancestrale africaine, si simi<strong>la</strong>ires<br />
en bien <strong>de</strong>s points ? Sartre,<br />
dans son Orphée noir (introduction<br />
<strong>de</strong> l’Anthologie <strong>de</strong> poésie nègre<br />
<strong>et</strong> malgache <strong>de</strong> Senghor) n’a-t-il pas<br />
mis en évi<strong>de</strong>nce, ne serait-ce que<br />
par le titre, <strong>la</strong> proximité <strong>de</strong> ces<br />
<strong>de</strong>ux cultures ? Et n’a-t-il pas poussé<br />
<strong>la</strong> réflexion plus loin en voyant<br />
dans <strong>la</strong> poésie noire, celle <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Négritu<strong>de</strong>, l’expression même du<br />
mythe d’Orphée <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa quête ?<br />
L’auteur dit à ce propos, p. XVII :<br />
Et je nommerai orphique c<strong>et</strong>te<br />
poésie parce que c<strong>et</strong>te in<strong>la</strong>ssable <strong>de</strong>scente<br />
du nègre en soi-même me fait<br />
songer à Orphée al<strong>la</strong>nt réc<strong>la</strong>mer<br />
Eurydice à Pluton. Ainsi, par un<br />
bonheur poétique exceptionnel, c’est<br />
en s’abandonnant aux transes, en se<br />
rou<strong>la</strong>nt par terre comme un possédé<br />
en proie à soi-même, en chantant ses<br />
colères, ses regr<strong>et</strong>s ou ses détestations,<br />
en exhibant ses p<strong>la</strong>ies, sa vie déchirée<br />
entre <strong>la</strong> civilisation <strong>et</strong> le vieux<br />
fond noir, bref en se montrant le plus<br />
lyrique, que le poète noir atteint le<br />
plus sûrement à <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> poésie collective<br />
[...]. 17<br />
Aristote, dans sa Poétique,<br />
montre que, dans <strong>la</strong> Grèce antique,<br />
à chaque grand genre correspond<br />
un accompagnement<br />
musical, ainsi qu’une certaine métrique<br />
qui confère un rythme particulier<br />
au récit. N’oublions pas,<br />
<strong>de</strong> plus, que les Grecs ont souvent<br />
recours au chant dans leur art oratoire<br />
<strong>et</strong> poétique. C<strong>et</strong>te tradition<br />
a perduré à travers les âges : le<br />
Moyen-Âge est en eff<strong>et</strong> très connu<br />
pour ses troubadours, trouvères <strong>et</strong><br />
ménestrels avec leurs chansons <strong>de</strong><br />
geste qui rappellent aussi en bien<br />
<strong>de</strong>s aspects l’art <strong>de</strong>s griots. I.<br />
Pi<strong>et</strong>te nous rapporte à ce suj<strong>et</strong> les<br />
propos <strong>de</strong> Roger Dragon<strong>et</strong>ti, tirés<br />
<strong>de</strong> son ouvrage Le mariage <strong>de</strong>s arts<br />
au Moyen-Âge :<br />
Un <strong>de</strong>s aspects les plus remarquables<br />
du Moyen-Âge, c’est d’avoir<br />
transmis à <strong>la</strong> culture occi<strong>de</strong>ntale<br />
l’héritage d’une spécu<strong>la</strong>tion sur l’esthétique<br />
musicale qui constituait le<br />
sol nourricier <strong>de</strong>s pratiques rhétoriques<br />
<strong>de</strong> l’écriture <strong>et</strong> disons même<br />
<strong>de</strong> tous les arts. Que toute <strong>la</strong> littérature<br />
romane, jusqu’à <strong>la</strong> fin du<br />
XIIe siècle, ait été intégralement<br />
chantée ou récitée à haute voix, ce<br />
n’est là que <strong>la</strong> côté le plus spectacu<strong>la</strong>ire<br />
d’un phénomène dont le processus<br />
s’insère, plus ou moins<br />
54 L’Arbre à Pa<strong>la</strong>bres N° 18 Janvier 2006