De la représentation et de l'usage de la musique - Association des ...

PALABRES
CULTURE & ARTS
ludes sont la plupart du temps
chantés et parfois accompagnés
d’un instrument traditionnel. À de
très nombreuses occasions c’est le
public qui joue le rôle de chœur,
ce que Chernoff, grand théoricien
de la tradition orale africaine, appelle
le call and response et qui est
un trait caractéristique des pratiques
orales en Afrique noire. Ces
intermèdes remplissent de multiples
fonctions. Ils confèrent de la
variété aux performances et impliquent
une nouvelle dimension
temporelle dans la mesure où il y
a changement de niveau d’expression,
c’est-à-dire passage d’un discours
dramatisé à un chant et/ou
à un morceau de musique instrumental.
Lors de ces pauses, pour les
nommer autrement, le rapport
entre le conteur et le public n’est
plus le même. Il y a échange, interactivité
entre ces deux instances
qui interviennent de concert dans
la performance. Ces interventions
de l’auditoire peuvent être codifiées,
répétitives mais rien empêche
un membre du public de laisser
libre cours à sa spontanéité et à son
originalité s’il le désire. Le spectateur
peut aussi alimenter le récit de
l’une de ses remarques, idées ou
suggestions. Le récit oral n’est
donc pas une forme fixe mais au
contraire il se définit par sa souplesse,
sa malléabilité.
L’intermède sert souvent à
mettre en lumière un point spécifique
du conte mais il n’est pas le
seul outil qui le permette. Ce que
Isidore Okpewho nomme formulae
permet aussi d’introduire ou de
clore le récit.
La théorie
de Chernoff
Chernoff, illustre ethnomusicologue,
a traité de cette notion de
temps et de rythme en adoptant
une toute autre perspective de réflexion.
Son ambition n’est pas de
mettre en avant la signification de
la musique et du rythme dans la
représentation artistique africaine
mais de montrer que le temps, le
rythme et la musique africains
sont des révélateurs de la société et
de ses valeurs. La prise de
conscience musicale participe d’un
processus d’éducation où son rôle
est fondamental, comme l’avait démontré
Platon des siècles auparavant.
Il va encore plus loin dans sa
réflexion en démontrant la sensibilité
pluraliste des Africains qui
s’exprime de manière évidente
dans leur affinité avec la musique
polymétrique. De même qu’ils
considèrent l’univers régi par l’existence
de multiples forces, les
hommes ont une conception esthétique
de la musique qui se caractérise
par la multiplicité des
rythmes et qui s’inscrit dans un
50 L’Arbre à Palabres N° 18 Janvier 2006