De la représentation et de l'usage de la musique - Association des ...

PALABRES
CULTURE & ARTS
56 - Ibid.
peuple, de sa place de choix dans
la société traditionnelle 56 , il est
devenu, nous dit Laye, un musicien
à part entière dont le rôle
relève désormais plus du divertissement
que de la véritable
vocation historique, ce qui lui
vaut une certaine déconsidération
dans la société.
Voyons donc, outre l’oralité pure,
les marques musicales qui jalonnent
ces textes, produits de contes
racontés par d’illustres griots de la
tradition mandingue, Mamadou
Kouyaté pour le livre de Niane,
Babou Condé pour celui de Laye,
tous deux au service de rois.
La musique, dans ces deux
transcriptions de récits oraux, n’est
donc plus accompagnement mais
motif pur. La place qui lui est
conférée atteste de ses différents
pouvoirs et fonctions dans la vie
africaine qui sont respectivement
et sommairement :
– chants et danses propres à chaque
caste (exemple de la danse des chasseurs)
et à chaque circonstance ou
événement (danse du Coba des cérémonies
de circoncision, dans Le
maître de la parole),
– un instrument du pouvoir ou du
contrepouvoir (chants de louanges,
chansons satiriques, etc.),
– sa fonction d’appel et de ralliement
(exemple des tambours d’appel
ou de guerre),
– un vecteur d’union du peuple,
un soutien et stimulant de la bravoure
des guerriers (Dans
Soundjata..., exemple de l’hymne à
l’arc),
– la liberté (par la danse :
Soundjata ou l’épopée mandingue,
p. 28 :
– Tu n’iras plus danser sur la place
et te faire admirer par les garçons ;
finie la liberté, ma belle, ajouta un
troisième.)
– un art divin : la transcendance,
– la magie (le balafon magique
dans Soundjata..., le xylophone magique
dans Le maître... ), pouvoir
de ressusciter les morts (nécromancie),
– la possession, l’exaltation,
– le lyrisme qui est une donnée
très importante,
– la sensualité,
– la contamination de toutes les
strates de l’univers (faune, flore...),
etc., etc.
L’un et l’autre des auteurs se
présentent comme des traducteurs,
transpositeurs ou encore
transcripteurs sans prétention aucune
de créer des œuvres littéraires
à part entière. Ils sont des intermédiaires
entre tradition et modernité.
Et leur dessein est la sauvegarde
de leur culture et valeurs
dans un contexte changeant, voué
au passage d’un système oral à un
système écrit. De telles entreprises
signent les prémices de la musique
en tant que thème ou motif dans
66 L’Arbre à Palabres N° 18 Janvier 2006