De la représentation et de l'usage de la musique - Association des ...
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PALABRES<br />
ARTS & CULTURE<br />
jamais les paroles n’auraient jailli <strong>de</strong><br />
l’au-<strong>de</strong>là pour créer c<strong>et</strong>te épopée désormais<br />
transposée sous nos yeux.<br />
Ainsi, le texte écrit est le produit<br />
du texte oral, lui-même le<br />
fruit <strong>de</strong>s sons instrumentaux. La<br />
<strong>musique</strong> est donc génératrice <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Parole littéraire en général, indépendamment<br />
<strong>de</strong> son mo<strong>de</strong> d’expression<br />
(oral, écrit).<br />
Voyons comment l’auteur s’est<br />
adonné à <strong>la</strong> pratique du mv<strong>et</strong>t <strong>et</strong><br />
pourquoi ce désir <strong>de</strong> l’adapter à l’écrit<br />
au détriment <strong>de</strong> sa plénitu<strong>de</strong>.<br />
Ndoutoume quand on l’interroge<br />
sur sa vocation répond c<strong>la</strong>irement<br />
: Je suis né au milieu <strong>de</strong>s<br />
joueurs <strong>de</strong> Mv<strong>et</strong>t ; le frère <strong>de</strong> mon<br />
père était lui-même joueur <strong>de</strong><br />
Mv<strong>et</strong>t. On m’a appris à jouer du<br />
Mv<strong>et</strong>t étant tout p<strong>et</strong>it, captivé par<br />
les récits, j’ai décidé <strong>de</strong> jouer du<br />
Mv<strong>et</strong>t, j’ai eu mes initiateurs. 41<br />
Il est intéressant <strong>de</strong> constater<br />
que l’auteur est venu au mv<strong>et</strong>t sans<br />
qu’on ne l’y oblige. Sa démarche<br />
est personnelle <strong>et</strong> spontanée <strong>et</strong> on<br />
voit que c’est <strong>la</strong> passion du récit<br />
qui l’y a poussé (ce qui m<strong>et</strong> en lumière<br />
<strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce centrale du récit<br />
dans <strong>la</strong> tradition mv<strong>et</strong>tique).<br />
Contrairement à <strong>la</strong> tradition griotique<br />
qui a un caractère quasi inné,<br />
on ne naît pas joueur <strong>de</strong> mv<strong>et</strong>t,<br />
on le <strong>de</strong>vient à <strong>la</strong> suite d’une décision<br />
personnelle <strong>et</strong> d’une longue<br />
<strong>et</strong> difficile initiation. Afin d’éviter<br />
toute confusion entre joueur <strong>de</strong><br />
mv<strong>et</strong>t <strong>et</strong> griot, précisons tout <strong>de</strong><br />
suite ce qui les différencie. Bien<br />
que leurs statuts semblent simi<strong>la</strong>ires<br />
en bien <strong>de</strong>s points (ils sont<br />
conteurs ; s’accompagnent d’un<br />
instrument <strong>et</strong> ont souvent recours<br />
à <strong>la</strong> danse ; leur savoir est transgénérationnel<br />
; rôle du public qui<br />
rythme <strong>la</strong> séance par sa participation<br />
<strong>et</strong>c.), leurs domaines <strong>de</strong><br />
connaissance <strong>et</strong> <strong>de</strong> compétence<br />
sont radicalement différents. Le<br />
griot est un historien à part entière ;<br />
le conteur ou joueur <strong>de</strong> mv<strong>et</strong>t, par<br />
certains <strong>de</strong> ses attributs, nous évoque<br />
plus le féticheur ou sorcier :<br />
Il doit être à <strong>la</strong> fois initié aux<br />
sciences sacrées (Ngbwel) <strong>et</strong> au<br />
mv<strong>et</strong>t lui-même. Il possè<strong>de</strong> donc un<br />
fétiche obtenu à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> son initiation<br />
<strong>et</strong> qui sert <strong>de</strong> trait d’union<br />
entre lui <strong>et</strong> son génie. C’est ce même<br />
fétiche qui tout en lui insuff<strong>la</strong>nt<br />
l’inspiration amplifie plus ou moins<br />
sa renommée. [...] l’apprentissage du<br />
mv<strong>et</strong>t est un enseignement ésotérique<br />
<strong>et</strong> le futur conteur subit un traitement<br />
magique. Signalons d’autre<br />
part que l’initiation prend fin avec<br />
le sacrifice par le futur joueur d’un<br />
membre <strong>de</strong> son corps ou d’un proche<br />
parent qui lui est cher. 42<br />
En ce<strong>la</strong> le mv<strong>et</strong>t se différencie<br />
<strong>de</strong>s genres oraux auxquels on a<br />
l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> se référer, qui relèvent<br />
plus du domaine profane. Ici,<br />
on est bel <strong>et</strong> bien en plein cœur<br />
d’un univers sacré où cœxistent<br />
41 - T. Ndong Ndoutoume,<br />
Op. Cit.<br />
42 - Ibid.<br />
N° 18 Janvier 2006<br />
L’Arbre à Pa<strong>la</strong>bres<br />
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