De la représentation et de l'usage de la musique - Association des ...

PALABRES
CULTURE & ARTS
R. Pageard : Rares sont les œuvres
de la littérature africaine dans lesquelles
le chant et la danse – soit individuels
et spontanés, soit collectifs
et organisés – n’apparaissent pas. La
majorité des auteurs reconnaissent
l’importance de la musique et de la
danse rythmées dans la vie négroafricaine.
Ce trait original est considéré
par eux comme un fait culturel
positif et n’appelle aucune critique
de leur part. 10
Mais on ne peut réduire l’ambition
de ces écrivains à celle de la
sauvegarde des valeurs culturelles ;
ce serait nier leur véritable travail
d’écriture qui vise en effet des fins
idéologiques mais aussi esthétiques
et qui confère à l’œuvre un caractère
hétérogène, notion fondamentale
dans une perspective interdisciplinaire
telle que la musique
dans la littérature francophone
africaine.
10 - R. Pageard, « Individu et
société, La vie traditionnelle dans
la littérature d’Afrique noire d’expression
française », in Revue de
littérature comparée, janv-mars
1974, pp. 420-454.
11 - I. Okpewho, La littérature
orale en Afrique,
Bibliothèque d’orientation
Mentha, 1992.
I - LA MUSIQUE
DANS LA LITTÉRATURE AFRICAINE
COMME ÉMANATION ET SURVIVANCE
DE LA TRADITION ORALE
De l’oralité
à la culture orale
On qualifie d’orale une culture
dans laquelle toute transmission,
qu’elle soit historique, généalogique,
anthropologique, artistique...
se fait par le biais de la parole
orale, sans support écrit. Cette
fonction fondamentale à la base de
la culture d’Afrique noire se fait
généralement par le biais du griot
qui est le pilier de la société traditionnelle
et qui se fait le garant de
la perpétuation des valeurs. Mais
les textes oraux des Africains ne se
contentent pas d’être des vecteurs
d’information et de savoir, ils sont
aussi des créations artistiques et intellectuelles
à part entière. Comme
le dit Isidore Okpewho dans son
essai sur la littérature orale en
Afrique subsaharienne : [...] les
textes oraux des Africains ont non
seulement un haut niveau de création
stylistique et esthétique, mais
encore une grande richesse de pensée
philosophique. 11
Il est intéressant de constater
que la séparation des genres que
sont le théâtre, la musique, la danse,
le chant, n’a aucun sens en
Afrique. Cette distinction est purement
occidentale. En Afrique,
rien ne la justifie. Le griot alterne
ou superpose récit, accompagnement
instrumental, chant et danse
qui forment un ensemble harmonieux
et on ne peut plus natu-
48 L’Arbre à Palabres N° 18 Janvier 2006