2010-04-plastilien-avril
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D R O I T D E S A F F A I R E S<br />
Sur la question de la réduction<br />
des délais de paiement, la commission<br />
des affaires économiques<br />
constate que de nombreux<br />
accords dérogatoires ont<br />
été signés et surtout que « certaines<br />
pratiques non-conformes<br />
à l’esprit de la loi se développent<br />
consistant à faire assumer<br />
au fournisseur le risque financier<br />
de la gestion du stock ».<br />
A propos des accords dérogatoires,<br />
la commission rappelle<br />
que « les décrets d’homologation<br />
étendent le délai dérogatoire<br />
à tous les opérateurs dont<br />
l’activité relève des organisations<br />
professionnelles signataires<br />
de l’accord, respectant<br />
ainsi la lettre comme l’esprit de<br />
la loi permettant une extension<br />
« horizontale » secteur par secteur,<br />
et non une autorisation<br />
« verticale » par filière ».<br />
Elle confirme par ailleurs que<br />
ces accords fixent des délais<br />
plafonds qui ne peuvent en<br />
aucun cas être automatiquement<br />
imposés aux fournisseurs<br />
par un client.<br />
Aussi, un fournisseur conserve<br />
la faculté de négocier avec son<br />
client un délai inférieur, même<br />
si dans les faits, bien souvent<br />
les fournisseurs n’ont pas le<br />
choix et se voient imposer de<br />
fait le délai plafond.<br />
Les rapporteurs regrettent<br />
qu’au-delà des accords dérogatoires<br />
(39 ayant été conclus<br />
avant l’échéance du 1 er mars<br />
2009), l’article 30 de la loi n°<br />
2009-879 du 21 juillet 2009 portant<br />
réforme de l'hôpital et relative<br />
aux patients, à la santé et<br />
aux territoires a modifié l’article<br />
21 de la LME et ses dispositions<br />
relatives aux accords dérogatoires,<br />
en précisant que : « […]<br />
dans un secteur d'activité dans<br />
lequel un accord interprofessionnel<br />
n'a pu être signé, un<br />
décret peut, après avis de l'Autorité<br />
de la concurrence fondé<br />
sur une analyse des conditions<br />
spécifiques du secteur, prolonger<br />
cette échéance à une date<br />
ultérieure.»<br />
En conséquence, la possibilité<br />
de conclure des accords dérogatoires<br />
est prolongée sans<br />
limite, « ce qui traduit un changement<br />
dans la philosophie qui<br />
avait animé le législateur au<br />
moment de la LME ».<br />
En effet, l’article 21 de la LME<br />
concevait la possibilité de<br />
conclure des accords dérogatoires<br />
comme une adaptation<br />
limitée et proportionnée destinée<br />
à tenir compte de la spécificité<br />
de certains secteurs,<br />
marquée notamment par des<br />
rotations de stocks longues, et<br />
susceptible de s’exercer<br />
jusqu’à une date limite, afin de<br />
ne pas retarder indéfiniment la<br />
réduction globale à 45 jours.<br />
Que dire encore de la loi du 27<br />
janvier <strong>2010</strong> sur les délais de<br />
paiement dans le secteur du<br />
livre qui permet la fixation<br />
conventionnelle des délais de<br />
paiement dans ledit secteur, et<br />
qui constitue une nouvelle<br />
exception au droit commun des<br />
délais de paiement.<br />
Olivier VIBERT, avocat au Barreau<br />
de Paris, ne manque pas<br />
de constater dans une chronique<br />
sur www.cfo-news.com,<br />
que « cette loi va très certainement<br />
raviver le lobbying de certains<br />
secteurs qui ne souhaitaient<br />
pas voir limiter les délais<br />
de paiement.<br />
Pourrions-nous donc après<br />
avoir vu défiler la liste des<br />
décrets dérogatoires voir désormais<br />
adopter une série de Loi<br />
visant à exclure certains secteurs<br />
de la réglementation des<br />
délais de paiement ? »<br />
Il est également constaté qu’un<br />
certain nombre de ces accords<br />
comportent une clause stipulant<br />
que l’application des délais plafonds<br />
ne peut donner lieu à la<br />
perception d’aucune compensation.<br />
Or, après la conclusion de l’accord<br />
dérogatoire, ayant pour<br />
effet de relever le délai initialement<br />
conclu entre les parties,<br />
trop souvent la contrepartie<br />
alors obtenue par le client n’a<br />
pas été annulée (principe de la<br />
« double peine »).<br />
La commission revient également<br />
sur la polémique autour<br />
de la manière dont devait être<br />
compris le mode de computation<br />
des délais fixés par la loi,<br />
c’est-à-dire 45 jours fin de<br />
mois.<br />
Le rapport de la commission<br />
spéciale du Sénat avait indiqué<br />
que dans ce cas de figure, « la<br />
computation débute à la fin du<br />
mois ». Mais la DGCCRF estimait<br />
qu’il était également possible<br />
de « comptabiliser les 45<br />
jours à compter la date d’émission<br />
de la facture, la limite de<br />
paiement intervenant à la fin<br />
du mois civil au cours duquel<br />
expirent ces 45 jours ». Or en<br />
pratique, certains clients choisissent<br />
l’un ou l’autre mode de<br />
calcul en fonction de la date<br />
d’émission de la facture, afin<br />
d’obtenir le délai qui leur est le<br />
plus favorable.<br />
Enfin, la réduction des délais<br />
de paiement a induit des changements<br />
de pratiques plus<br />
vastes, en particulier s’agissant<br />
du régime des stocks.<br />
L’option consistant à faire supporter<br />
le coût de l’immobilisation<br />
financière au fournisseur<br />
s’est généralisée, justifiant une<br />
réponse quasi immédiate de la<br />
Commission d’Examen des Pratiques<br />
Commerciales (CEPC) :<br />
« les parties peuvent modifier<br />
le cadre juridique antérieur en<br />
pratiquant par exemple le<br />
depôt-vente au lieu de la vente<br />
ferme ; les juristes spécialisés<br />
doivent pouvoir proposer des<br />
montages sécurisés avec,<br />
notamment, le jeu de la clause<br />
de réserve de propriété. Pour<br />
le stock initial, le même type de<br />
mécanisme peut être imaginé.<br />
Le code monétaire et financier<br />
(article 511-7) offre certaines<br />
possibilités pour le fournisseur<br />
de consentir des avances sur<br />
commandes. La LME ne remet<br />
pas en cause le régime juridique<br />
du dépôt-vente ou de la<br />
vente en consignation. La<br />
vente en consignation n’est<br />
pas interdite. Cependant, appliquer<br />
contrairement aux habitudes<br />
anciennes, une telle pratique<br />
dans le but de contourner<br />
les obligations relatives à la<br />
réduction des délais de paiement,<br />
devient une pratique<br />
abusive ».<br />
Les rapporteurs concluent qu’il<br />
convient autant que possible<br />
d’éviter de remettre l’ouvrage<br />
sur le métier législatif, car<br />
après les réformes « Dutreil »<br />
de 2005, « Chatel » de 2008, et<br />
la LME (2008 encore), les entreprises<br />
jugent « essentiel de<br />
jouir d’une certaine sécurité<br />
juridique afin de s’approprier<br />
les nouvelles règles du jeu<br />
définies par le législateur ».<br />
Car comme le déclare l’un des<br />
co-rapporteurs : « s’il y a un<br />
domaine dans lequel il n’y a<br />
pas de place pour l’angélisme,<br />
c’est bien celui des relations<br />
commerciales ».<br />
22<br />
Plastilien Avril <strong>2010</strong> • n°66