LIEUX ET PORTRAITS DE LA GÃOGRAPHIE EN ITALIE A L ...
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102 Inforgeo 18/19<br />
valeur éducative de la géographie, le fait que c’est une forme d’éducation civile<br />
est affirmé plusieurs fois et par plusieurs voix ces années dans la géographie<br />
italienne en référence à son rôle scolaire; mais ici nous trouvons une<br />
pratique de la géographie comme instrument plus vaste de culture publique<br />
et de manière de civiliser, une tentative d’utiliser la géographie pour «faire<br />
les Italiens», après avoir fait l’Italie, dans une ville qui avait été protagoniste<br />
de la construction de l’Italie et qui venait de perdre son rôle de ville capitale,<br />
et vivait une des périodes les plus difficiles de son histoire 46 :Peroglio,<br />
homme du Risorgimento, lie progrès des études géographiques et liberté, et<br />
il démontre, dans une personnelle relecture de l’histoire de la géographie,<br />
que lorsque l’une manque les autres déchoient, et il met l’une et les autres à<br />
fondement de la vie civile, où l’utilitas de la géographie, appuyée à<br />
l’histoire, consiste à soutenir «le rachat de la liberté, de l’indépendance et de<br />
l’unité», en hâtant «l’accomplissement des destins glorieux de la patrie»<br />
dans les temps nouveaux et dans les événements politiques que «nous<br />
n’arrêterons pas de bénir, s’ils se révèlent aussi salutaires pour l’Italie qu’ils<br />
ont été, à cause d’un néfaste concours de circonstances, fatals à Turin» 47 . Le<br />
projet qu’on entrevoit derrière la fondation du Circolo Geografico Italiano<br />
semble bouger sur un parcours qui est sous certains aspects parallèle à celui<br />
que quelques historiens étaient en train de faire à Turin plus ou moins en<br />
même temps ou peu après: ils étaient séduits par l’approche positiviste,<br />
charmés par les lectures publiques et engagés dans les éditions critiques et<br />
dans la publication des sources de l’histoire de la patrie, qu’on entend destiner<br />
à un usage moins privé et plus public 48 : en bref, le terrain et le document,<br />
les deux dévoilés et non but de la pratique scientifique, mais moyen pour<br />
l’éducation civile du pays; ce sont aussi les années où à Turin on propose à<br />
nouveau la question de l’emplacement et du nouveau classement des collections<br />
scientifiques et de l’organisation des musées, aussi comme forme de la<br />
divulgation et spectacularisation scientifique. 49<br />
L’expérience turinoise de la géographie comme “sphère publique” doit<br />
encore être évaluée dans son réseau de relations locales et aussi dans le rôle<br />
qu’elle peut avoir joué, mal gré bon gré, dans la dérive vers le nationalisme<br />
des idéaux du Risorgimento, enracinés en Peroglio et reconduits à méthode<br />
scientifique dans l’emphase placée sur l’idée de nation, plutôt que sur celle<br />
d’État, comme principe ordinateur de la géographie politique, qu’on veut<br />
faire devenir de cette façon géographie morale 50 ; dans le contexte de la cons-<br />
46 Voir les essais recueillis dans U. LEVRA (dir.), Storia di Torino, vol. VII, Torino 2001.<br />
47 C. PEROGLIO, Prolusioni al Corso di Geografia e Statistica professato nella Regia Università<br />
di Torino, Torino 1864, pp. 28-30 et p. 36.<br />
48 U. LEVRA, Fare gli Italiani, op. cit., pp. 144-149.<br />
49 Voir les essais contenus dans le volume G. GIACOBINI (dir.), La memoria della scienza:<br />
Musei e collezioni dell’Università di Torino, Torino 2003.<br />
50 C. PEROGLIO, Del principio di nazionalità nella geografia politica, Torino 1864.