LIEUX ET PORTRAITS DE LA GÉOGRAPHIE EN ITALIE A L ...

Lieux et Portraits de la Géographie en Italie 107
L’élévation éthique et politique des classes populaires en Peroglio,
l’éducation au progrès civil en Ghisleri, l’éducation culturelle et scientifique
de la bourgeoisie comme sujet historique auquel touche le devoir de réaliser
le progrès social en Cora sont des positions idéologiquement distantes, mais
mises en commun par une identique tension intellectuelle, qui utilisera pour
se manifester des instruments analogues et qui se fondera sur une conception
de la géographie qui les rend moins éloignés entre eux qu’ils le sont des
conceptions majoritaires dans la géographie académique de leur temps. Surtout
entre Ghisleri et Cora, bien que dans leur profonde diversité et distance,
quelques fils dispersés se renouent: la centralité de la formation d’une conscience
civile et le rôle de la géographie dans ce processus, la dissémination,
plus que la divulgation, du savoir géographique, sans distinction entre géographie
scientifique et géographie populaire, avec son corollaire du développement
d’une édition géographique, la construction de la carte, avec son apparat
documentaire et avec son mettre en évidence la question du rapport
entre la parole et le signe, son rôle dans la formalisation logique du discours
géographique.
Donc, la production et la diffusion du savoir géographique suit dans
l’Italie entre le XIX et le XX siècle des itinéraires changeants, qu’on ne peut
pas reconduire tous à la même logique, en grande partie encore à explorer
dans leur embranchement et entrelacement et qu’on ne rencontre pas toujours
si on suit seulement le tronc de l’arbre généalogique de famille: la géographie
de la géographie en Italie dessine une carte bigarrée. Tandis que
l’école nationale cherche à se définir et à s’affirmer comme espace académique,
lieu institutionnel de la production et de la distribution du savoir géographique,
en dédiant beaucoup de temps et d’énergies à débattre sur la place
de la géographie parmi les autres sciences et à codifier son statut, il reste
quelques espaces extra-académiques, des lieux où on tente, avec des approches
différentes, de porter la géographie sur le terrain, dans la société civile,
on tente de faire de la géographie un circuit de communication entre institution
e société. Depuis lors la géographie italienne a eu une longue histoire
faite de beaucoup de changements et d’importantes réalisations, mais elle n’a
pas réussi à se découper un rôle reconnu dans la culture nationale et contemporaine,
ni à s’enraciner dans la conscience civile du pays; relire aujourd’hui
l’autre histoire de la géographie, celle qui ne fut jamais dominante, mais qui
fut militante peut servir à réfléchir sur quand, où et pourquoi nous sommes
restés à l’extérieur de la construction et du changement de l’identité collective.