LIEUX ET PORTRAITS DE LA GÉOGRAPHIE EN ITALIE A L ...

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physique et celle historique 53 : du positivisme il accueille la partie la meilleure,
donc non sa dérive vers la naturalisation des faits anthropiques, en
niant que l’évolutionnisme de Darwin puisse s’appliquer à l’histoire. Même
par cette voie scientifique, outre que par l’idéologique, il refuse les justifications
naturalistes et racistes du colonialisme, qu’il repousse donc dans sa pratique
politique et militaire, mais à laquelle il cherche à offrir une essence alternative
comme forme d’«intégration culturelle et civile progressive entre
peuples différents, fondée sur le savoir et sur la qualité démocratique des relations
réciproques» 54 librement choisies.
Ghisleri porte la province, la lombarde de Cremona où il a grandi, et
surtout de Bergame où il enseigne et publie, parmi les centres d’élaboration,
de concentration et de diffusion du savoir géographique, à côté des grands
sièges universitaires. À Bergame avec l’Institut d’Arts Graphiques de
l’éditeur Gaffuri, où il organise une section de cartographie, il publie aussi la
revue «La Geografia per Tutti» (La Géographie pour Tous), qui laissera ensuite
la place aux «Comunicazioni ad un Collega» (Communications à un
Collègue), destinées principalement aux enseignants, qui à leur tour sont sollicités
à se faire non seulement destinataires et donc consommateurs de savoir
géographique, mais aussi producteurs d’eux-mêmes: la revue donne ainsi
voix, comme Mangini 55 l’a observé, à des sujets capables de fonctionner
comme collecteurs de savoirs locaux qui différemment ne pénétreraient jamais
dans le circuit national de la production culturelle et s’offre comme
médiateur qui connecte non seulement des personnes disparates par connaissances
et pratiques géographiques, mais surtout celles-ci avec les domaines
institutionnels. En effet, malgré que Ghisleri n’ait pas accès à la géographie
académique, et malgré qu’il n’en incarne pas la tradition dominante, toutefois
il la croise et en devient un interlocuteur, pour des raisons sur lesquelles
ici nous ne pouvons pas nous arrêter, mais qui ont déjà été bien illustrées par
Mangini. Une conséquence non secondaire de cette conception du rapport
53 A. GHISLERI, Piccolo Manuale di Geografia Storica, Bergamo 1888, p. 9
54 G. MANGINI, La “Geografia per Tutti”: dialogo con gli insegnanti”, dans le volume E.
CASTI (dir.), Arcangelo Ghisleri e il suo “clandestino amore”. Geografia e studi coloniali
tra ‘800 e ‘900 in Italia, op. cit., pp. 189-239 et spécialement p. 202. Sur l’anticolonialisme
de Ghisleri, fondamental est l’essai de E. CASTI, L’Atlante d’Africa e il ruolo sociale della
geografia, ibid., pp. 13-52, qui explore aussi les connexions avec Elisée Reclus, qui constitue
d’ailleurs une des références de Ghisleri. Les écrits de Ghisleri dans le cadre du débat
sur le concept de race sont nombreux, maintenant recueillis par R. Rainero dans A.
GHISLERI, Le razze umane e il diritto nella questione coloniale, Milano 1972.
55 MANGINI, La “Geografia per Tutti”: dialogo con gli insegnanti”, dans le volume E.
CASTI (dir.), Arcangelo Ghisleri e il suo “clandestino amore”, op. cit., pp. 189-239 et spécialement
p. 190-101 et 220-232: Mangini relève dans l’initiative de Ghisleri un aspect “non
seulement descendent du parcours social des savoirs qui sortent déjà codifiés” des lieux institutionnels,
mais aussi “une instance ascensionnel de la connaissance, selon laquelle les institutions
doivent se poser aussi comme un lieu de récolte de la production sociale de savoir
géographique, liée aux particularités historiques et géographiques du territoire.