LIEUX ET PORTRAITS DE LA GÉOGRAPHIE EN ITALIE A L ...

Lieux et Portraits de la Géographie en Italie 85
savoir que nous pouvons définir géographique, bien qu’il ne soit pas catalogué
sous le nom de géographie, nom qui toutefois apparaît au cours de la
première partie du siècle XIX presque exclusivement à l’intérieur des monographies
statistiques. Dans l’histoire de la géographie italienne le rapport entre
arithmétique politique – statistique napoléonienne – géographie statistique
est en réalité un nœud qui est encore a défaire; il est d’ailleurs
intéressant de remarquer que plus récemment l’historiographie a reconnu
dans les recherches statistiques du Royaume de Sardaigne, de la moitié des
années Trente jusqu’au début de l’Unité d’Italie, un fil rouge qui – passant
autour des années de la Restauration – les relie à la statistique napoléonienne,
qui à son tour renouvelle radicalement, mais sur une ligne de continuité
idéale, l’arithmétique politique de l’âge des lumières 10 ; celle-ci représente
d’ailleurs la tradition culturelle de cette élite des rangs de laquelle
émergent les auteurs de la «statistique morale», c’est-à-dire sociale, et dont
les représentants sont nés pour la plupart dans la dernière décennie du XVIII
siècle. La discontinuité, la fracture se situe au contraire certainement dans la
deuxième moitié du siècle, comme Gambi le démontre bien: en bref, cette
tradition se dissout justement à l’époque de l’institutionnalisation universitaire
de la géographie; et c’est une question qu’il faut étudier quels sont les
entrelacements entre ces deux faits.
Il semble donc une bonne méthode pour remettre le problème à feu
d’échapper à la logique des périodisations pour étudier ce no man’s land des
phases de transition. Alors nous ne pouvons pas nous soustraire à
l’obligation de nous demander sur quoi se fonde le processus d’académisation,
d’institution d’une école nationale, et comment elle s’accomplit et par
quelles impulsions. En réalité il est encore difficile de répondre à cette question:
la nécessité de beaucoup d’études nous sépare encore de la réponse,
aussi parce que jusqu’ici nous en avons été séparés par la présomption que la
géographie académique italienne naît d’un itinéraire commun et unitaire
d’institutionnalisation, peut être parce que nous avons regardé à cet itinéraire
comme à un événement plutôt que comme à un processus, à un point de départ
plutôt qu’à un point – provisoire – d’arrivée.
Les argumentations de Lucio Gambi sont encore utiles pour nous orienter
dans la recherche du milieu intellectuel dans lequel a mûri l’institutionnalisation
de la géographie, autant que construction de son statut scientifique,
10 U. LEVRA, La ‘statistica morale’ del Regno di Sardegna tra la Restaurazione e gli anni
Trenta: da Napoleone a Carlo Alberto, “Clio”, XXVIII, 1992, pp. 353-378. Plus en général
pour l’Italie voir le beau livre de S. PATRIARCA, Numbers and Nationhood. Writing Statistics
in Nineteenth Century Italy, Cambridge 1996: voir aussi S.J. WOOLF, Statistics and
the Modern State, “Comparative Studies in Society and History”, 31, 1989, pp. 588-603, F.
SOFIA, Una scienza per l’amministrazione. Statistica e pubblici apparati tra età rivoluzionaria
e Restaurazione, Roma 1988 et le fascicule monographique de “Quaderni Storici”,
45, 1980 dédié au thème L’indagine sociale nell’unificazione italiana.