L’autoroute ou la métropole en mouvement Par Gilles Delalex Séminaire de préfiguration de la session d’été 2008 | page 75
L’autoroute ou la métropole en mouvement Par Gilles Delalex En Europe, l’autoroute agit entre les métropoles, comme un dense réseau d’échange. Dopée par la récente intensification des flux économiques et culturels, elle attire une population grandissante ; elle se dote d’un nombre croissant d’activités et crée de nouvelles continuités urbaines le long des principaux axes d’échanges. Le réseau autoroutier apparaît dès lors comme un vaste espace public, une métropole en mouvement qui transcende les frontières tant nationales que culturelles. Ce texte propose d’investiguer la dimension urbaine de l’autoroute, à l’heure où les réseaux de transport et de communication s’emparent d’une urbanité jusqu’alors réservée aux villes, aux centres et aux périphéries (1) . En Europe, différentes régions urbaines se développent le long d’importants axes autoroutiers. En Allemagne, par exemple, un vaste territoire suburbain, visible en bordure de l’autoroute A4, rend compte du nouveau triangle économique qui se développe entre les villes de Dresden, Leipzig et Berlin. Le long de l’autoroute européenne E 58, la prolifération de maisons sauvages crée un corridor transfrontalier qui tend à joindre les villes de Vienne et de Bratislava. A Belgrade, la circulation floue des devises, le marché noir et la contrebande s’accompagnent d’une réappropriation des espaces publics disponibles en bordure d’autoroute, notamment avec les kiosques temporaires des marchands ambulants.Au Benelux, où le réseau autoroutier est le plus dense d’Europe, une quantité de professionnels s’établissent sur des franges résidentielles proches des frontières afin de bénéficier des avantages fiscaux et des accès aux réseaux propres à chacune des régions limitrophes (2) . Chacun de ces exemples témoigne de la capacité du réseau autoroutier européen à générer de nouvelles régions urbaines, à l’écart des villes existantes. Mais peut-on dire pour autant que l’autoroute crée une forme d’urbanité qui lui est propre Peut-on affirmer que ses aires, ses stations, et tous les lieux intimes et habités qui ponctuent son réseau, induisent une nouvelle forme d’urbanité qui ne se déploie plus à l’intérieur, mais entre les villes C’est pour répondre à cette question que j’entreprends de réaliser, durant l’été 2001, un catalogue vidéo des aires autoroutières (3) . Mon travail débute par une enquête photographique du réseau autoroutier européen qui se déroule sur un itinéraire de 8000 km traversant 11 pays européens : la France, l’Italie, la Suisse, l’Autriche, l’Allemagne, le Danemark, la Suède, la Norvège, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. Pendant les trois mois que dure ce voyage, je tente de capturer les signes, les gestes et les ambiances qui façonnent l’espace physique et habité de l’autoroute. <strong>Les</strong> quelques milliers de photographies ainsi réalisées sont ensuite assemblées pour constituer un catalogue vidéo, consultable depuis le web. Le catalogue se présente comme un diaporama dynamique et interactif. Il s’organise selon un index thématique qui définit une série de signes, de lieux et d’objets récurrents de l’autoroute. Ces séries sont montées en boucles sonores et vidéo dont le séquençage rapide et syncopé évoque l’aspect hallucinatoire du paysage autoroutier (4) . En me basant sur ce classement, je propose une double lecture du champ sémantique et normatif de l’autoroute. <strong>Les</strong> séries portant sur les signes et les logos révèlent un paysage digital. Elles reflètent l’aspect sin- Séminaire de préfiguration de la session d’été 2008 | page 76