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actes colloque 2007 - Les Ateliers

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L’autoroute ou la<br />

métropole en mouvement<br />

Par Gilles Delalex<br />

d’ambiguïté et réduit fatalement le champ d’action et<br />

d’interprétation des usagers. Il définit alors l’autoroute<br />

comme un espace explicitement voué au<br />

contrôle des flux des personnes, de signes et de marchandises.<br />

Esperanto sémantique et spatial<br />

<strong>Les</strong> textes et les logos qui ponctuent le paysage autoroutier<br />

indiquent en fait les règles de l’autoroute. Si<br />

nous admettons que ce sont les règles d’un lieu qui<br />

le définissent, qui établissent ses limites et qui le distinguent<br />

des autres lieux, nous pouvons affirmer que<br />

la fonction de ce paysage digital est de transmettre, de<br />

la façon la plus explicite, les règles qui définissent l’autoroute<br />

en tant que lieu. On peut comprend que ces<br />

règles se doivent d’être aussi simples que possible,<br />

puisque qu’elles s’adressent à des usagers de cultures<br />

et de nationalités très différentes. Mais elles induisent<br />

en retour une certaine réduction de sens. Elles rendent<br />

l’espace de l’autoroute si abstrait qu’elles finissent<br />

par le réduire à un langage minimal et universel. <strong>Les</strong><br />

flèches remplacent la topographie physique pour indiquer<br />

un nombre limité de choix – droite, gauche,<br />

tout droit – tandis que les différentes cartes, guides<br />

de voyages et autres brochures touristiques indiquent<br />

des itinéraires prédéterminés qui se substituent à la<br />

géographie complexe des monts et des vallées. L’autoroute<br />

devient alors semblable à Esperanto sémantique<br />

et spatial, à un minimum de sens commun (MDSC)<br />

qui transcende les frontières mais interdit, simultanément,<br />

tous les mouvements et les initiatives personnelles<br />

qui pourraient compliquer ou interférer avec<br />

son mouvement obligatoire.<br />

La conscience du risque<br />

Pourquoi l’autoroute est-elle soumise à un tel<br />

contrôle Le contrôle exercé par le paysage digital<br />

de l’autoroute répond à la notion de risque. Lorsque<br />

l’on observe le discours des sociétés d’autoroutes, il<br />

est frappant de constater combien il insiste sur les<br />

dangers de la circulation. <strong>Les</strong> slogans ne cessent de<br />

souligner les moyens mis en œuvre afin d’assurer ou<br />

d’améliorer notre sécurité. Ils rendent visibles les mesures<br />

prises par les sociétés d’autoroute et nous rappellent<br />

la présence d’un vaste appareil sécuritaire. Ils<br />

nous rappellent, par la même occasion, que l’autoroute<br />

se construit comme un système expert dans<br />

lequel nous remettons volontiers notre confiance<br />

quand bien même notre connaissance des nombreux<br />

dispositifs techniques de sécurité et de maintenance<br />

qui la façonnent reste, tout au mieux, rudimentaire (6) .<br />

<strong>Les</strong> risques de l’autoroute sont principalement liés à<br />

l’accident, au ralentissement ou à l’embouteillage. Ils<br />

sont liés à l’éventualité d’un événement qui perturberait<br />

son flux continu et obligatoire. Le risque n’y est<br />

donc pas plus grand qu’ailleurs, mais il est intégré ; il<br />

fait parti du système. Dans son ouvrage intitulé « La<br />

société du risque », Ulrich Beck explique que cette<br />

conscience accrue du risque conditionne aujourd’hui<br />

autant la politique que les actions et les comportements<br />

individuels (7) . Selon lui, la conscience de nouveaux<br />

risques globaux et incontrôlables, faisant suite<br />

à des événements tels que Tchernobyl, l’attentat du<br />

World Trade Center, le crash boursier, ou l’épidémie<br />

de SRAS, est un fondement de la société post-industrielle.<br />

Le paysage digital de l’autoroute répond à<br />

cette conscience globale du risque, plus qu’à n’importe<br />

quel autre risque, particulier ou effectif (qu’il<br />

soit lié au voyage sur de longues distances, au terrorisme<br />

ou à l’écologie). Il agit comme un contrat d’assurance<br />

qui impose des règles et des directions<br />

prédéterminées, à travers lesquelles les risques ont<br />

Séminaire de préfiguration de la session d’été 2008 | page 78

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