actes colloque 2007 - Les Ateliers
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L’autoroute ou la<br />
métropole en mouvement<br />
Par Gilles Delalex<br />
En Europe, l’autoroute agit entre les métropoles,<br />
comme un dense réseau d’échange. Dopée par la récente<br />
intensification des flux économiques et culturels,<br />
elle attire une population grandissante ; elle se<br />
dote d’un nombre croissant d’activités et crée de<br />
nouvelles continuités urbaines le long des principaux<br />
axes d’échanges. Le réseau autoroutier apparaît dès<br />
lors comme un vaste espace public, une métropole<br />
en mouvement qui transcende les frontières tant nationales<br />
que culturelles. Ce texte propose d’investiguer<br />
la dimension urbaine de l’autoroute, à l’heure<br />
où les réseaux de transport et de communication<br />
s’emparent d’une urbanité jusqu’alors réservée aux<br />
villes, aux centres et aux périphéries (1) .<br />
En Europe, différentes régions urbaines se développent<br />
le long d’importants axes autoroutiers. En Allemagne,<br />
par exemple, un vaste territoire suburbain,<br />
visible en bordure de l’autoroute A4, rend compte<br />
du nouveau triangle économique qui se développe<br />
entre les villes de Dresden, Leipzig et Berlin. Le long<br />
de l’autoroute européenne E 58, la prolifération de<br />
maisons sauvages crée un corridor transfrontalier qui<br />
tend à joindre les villes de Vienne et de Bratislava. A<br />
Belgrade, la circulation floue des devises, le marché<br />
noir et la contrebande s’accompagnent d’une réappropriation<br />
des espaces publics disponibles en bordure<br />
d’autoroute, notamment avec les kiosques temporaires<br />
des marchands ambulants.Au Benelux, où le<br />
réseau autoroutier est le plus dense d’Europe, une<br />
quantité de professionnels s’établissent sur des<br />
franges résidentielles proches des frontières afin de<br />
bénéficier des avantages fiscaux et des accès aux réseaux<br />
propres à chacune des régions limitrophes (2) .<br />
Chacun de ces exemples témoigne de la capacité du<br />
réseau autoroutier européen à générer de nouvelles<br />
régions urbaines, à l’écart des villes existantes. Mais<br />
peut-on dire pour autant que l’autoroute crée une<br />
forme d’urbanité qui lui est propre Peut-on affirmer<br />
que ses aires, ses stations, et tous les lieux intimes et<br />
habités qui ponctuent son réseau, induisent une nouvelle<br />
forme d’urbanité qui ne se déploie<br />
plus à l’intérieur, mais entre les villes <br />
C’est pour répondre à cette question que<br />
j’entreprends de réaliser, durant l’été 2001,<br />
un catalogue vidéo des aires autoroutières<br />
(3) . Mon travail débute par une enquête<br />
photographique du réseau<br />
autoroutier européen qui se déroule sur<br />
un itinéraire de 8000 km traversant 11<br />
pays européens : la France, l’Italie, la Suisse,<br />
l’Autriche, l’Allemagne, le Danemark, la<br />
Suède, la Norvège, les Pays-Bas, la Belgique<br />
et le Luxembourg. Pendant les trois mois<br />
que dure ce voyage, je tente de capturer<br />
les signes, les gestes et les ambiances qui<br />
façonnent l’espace physique et habité de<br />
l’autoroute. <strong>Les</strong> quelques milliers de photographies<br />
ainsi réalisées sont ensuite assemblées<br />
pour constituer un catalogue<br />
vidéo, consultable depuis le web. Le catalogue se présente<br />
comme un diaporama dynamique et interactif. Il<br />
s’organise selon un index thématique qui définit une<br />
série de signes, de lieux et d’objets récurrents de l’autoroute.<br />
Ces séries sont montées en boucles sonores<br />
et vidéo dont le séquençage rapide et syncopé évoque<br />
l’aspect hallucinatoire du paysage autoroutier (4) .<br />
En me basant sur ce classement, je propose une double<br />
lecture du champ sémantique et normatif de l’autoroute.<br />
<strong>Les</strong> séries portant sur les signes et les logos<br />
révèlent un paysage digital. Elles reflètent l’aspect sin-<br />
Séminaire de préfiguration de la session d’été 2008 | page 76