actes colloque 2007 - Les Ateliers
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été clairement et visiblement réduits. Il tient l’usager<br />
dans un état ambivalent, à la fois inquiet d’être surveillé<br />
et rassuré d’être préservé des dangers de l’autoroute.<br />
Le paysage digital apparaît alors comme un<br />
langage autonome dont les signes n’informent pas<br />
tant l’espace de l’autoroute qu’il l’abstrait (au propre<br />
comme au figuré) et le dissimule.<br />
2. LE PAYSAGE ANALOGUE<br />
Ce premier paysage de signes ne doit pas, pour autant,<br />
occulter un second paysage : le paysage d’analogue (8) .<br />
Ce second paysage est plus discret, plus ambigus, et<br />
par conséquence plus difficile à capturer. Il se compose,<br />
d’une part, d’objets publics qui auraient pu provenir de<br />
lieux urbains ou périurbains, comme le mobilier, les<br />
vitrines ou les téléphones, et d’autre part, de lieux et<br />
de gens. Parmi les boucles vidéo qui constituent le catalogue,<br />
nombreuses sont celles qui portent simplement<br />
sur des ambiances ou des atmosphères. Elles<br />
mettent en scène des objets banals et familiers, ainsi<br />
que des scènes de vie sociale qui désignent l’autoroute<br />
comme un espace public et habité.<br />
<strong>Les</strong> aires d’autoroute sont le réceptacle informel d’une<br />
quantité de pratiques individuelles et collectives. <strong>Les</strong><br />
touristes envahissent les pelouses et les terre-pleins<br />
lors des allers-retours de vacances comme si les aires<br />
étaient déjà leur destination. <strong>Les</strong> routiers se rassemblent<br />
et forment des campements éphémères. La nuit,<br />
ils rangent leurs camions côte à côte et transforment<br />
les parkings en quartiers provisoires. D’autres pratiques<br />
plus obscures ne semblent se déployer qu’en<br />
vertu de leur apparente improbabilité. Des activités<br />
commerciales illicites s’installent à proximité des frontières.<br />
En Hollande, par exemple, les prostituées reçoivent<br />
leurs clients dans leurs fourgonnettes.Tracy Metz<br />
raconte qu’une sex line de l’autoroute a été mise en<br />
place afin de connaître les sites ouverts et actifs. <strong>Les</strong><br />
communautés gays établissent des lieux de rencontre<br />
dans différents parkings. Leurs rencontres sont discrètes,<br />
mais parfaitement rythmées socialement : « le<br />
lundi soir, c’est soirée cuir » (9) . Une recherche de<br />
l’agence d’architecture Buro Schie démontre également<br />
que les embouteillages réguliers qui paralysent<br />
les autoroutes hollandaises induisent toute une série<br />
de comportements sociaux (10) . Metz relate à ce propos,<br />
l’histoire d’une jeune hollandaise et de sa rencontre<br />
manquée avec le conducteur d’une Corolla<br />
bleue. Elle raconte qu’une agence de rencontre nommée<br />
ECD (Eye Contact Dating) propose notamment<br />
de mettre en contact ses clients automobilistes via un<br />
autocollant apposé sur leur vehicule (11) .<br />
L’autoroute n’apparaît plus ici comme un réseau hermétique<br />
et autonome, mais un comme lieu aux expressions<br />
diverses et à l’esthétique ambiguë, à la fois<br />
minimale et excessive. Elle se dessine comme un paysage<br />
changeant qui oscille en permanence entre la<br />
froideur fantomatique des parkings déserts, le modernisme<br />
décadent des stations abandonnées, le romantisme<br />
opératoire des terre-pleins paysagés, le<br />
chaos des boutiques bondées et les couleurs criardes<br />
des vitrines de produits locaux qui s’affichent souvent<br />
de façon kitch et ostentatoire. L’autoroute devient<br />
alors la scène quotidienne d’une chorégraphie orchestrée<br />
24/24 heures, par une foule de communautés<br />
: des commuters, des touristes, des routiers, des<br />
réfugiés et des prostitués. Elle rassemble ou elle isole<br />
selon que l’on y cherche un exil temporaire ou des<br />
rapports secrets et inavouables. Elle s’ouvre à une<br />
multitude de pratiques improvisées qui lui confère<br />
un caractère quasi-domestique. Sous couvert d’une<br />
forme parfaitement univoque et standardisée, elle se<br />
dote d’une accessibilité discrète, qui lui procure une<br />
Séminaire de préfiguration de la session d’été 2008 | page 79