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actes colloque 2007 - Les Ateliers

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L’autoroute ou la<br />

métropole en mouvement<br />

Par Gilles Delalex<br />

identité floue que les usagers peuvent s’approprier et<br />

modeler à volonté.<br />

3. UNE URBANITE PARADOXALE<br />

L’urbanité de l’autoroute se construit dans la collision<br />

banale et singulière de ces deux paysages. Le premier<br />

est digital. Il évoque un espace abstrait qui se lit, qui<br />

se code et se décode. C’est un paysage idéal et universel<br />

qui ne connaît que d’infimes variations le long<br />

du réseau. Il affirme en outre le caractère autoritaire<br />

et sécuritaire de l’autoroute, son rapport inhérent au<br />

risque et au contrôle. Le second paysage relève, à l’inverse,<br />

d’une expérience singulière qui s’accompagne<br />

de lieux et d’atmosphères souvent urbaines. Il reflète<br />

le caractère informel des aires qui favorise l’émergence<br />

de nouvelles pratiques sociales, individuelles. On<br />

pourrait croire que ces deux paysages sont antagonistes<br />

et qu’ils tendent à se neutraliser. On pourrait<br />

également penser que le paysage digital n’est autre<br />

que la surface signifiante du paysage analogue. Mais<br />

ce n’est pas le cas, car le paysage digital de l’autoroute<br />

n’est qu’un paysage lisible, conçu pour être lu et pour<br />

ne faire faire référence qu’à lui-même. Lorsqu’il renvoie<br />

à la notion de risque, par exemple, c’est uniquement<br />

pour soulever le risque qui menace son propre<br />

flux. <strong>Les</strong> deux paysages de l’autoroute sont en fait intimement<br />

liés. Ils n’existent pas l’un sans l’autre. Ils<br />

constituent les deux faces d’une même d’identité.<br />

Leur complémentarité et leur capacité à fabriquer de<br />

l’urbanité s’expriment de plusieurs façons.<br />

Lieux informels et anonymes<br />

C’est le caractère digital et anonyme des aires, par<br />

exemple, qui vaut à leurs fonctions génériques de<br />

repos et de ravitaillement d’être constamment détournées<br />

et étendues à des pratiques inattendues.Au<br />

départ, la proximité d’une aire d’autoroute ne nous<br />

promet que les fonctions standard que nous indiquent<br />

les logos du totem planté à son entrée. On<br />

sort momentanément du flux et l’on reste en communication<br />

visuelle et sonore avec lui. Ensuite, les<br />

comportements se libèrent ; ils trouvent des espaces<br />

à part, déracinés et libérés des codes sociaux traditionnels.<br />

A l’inverse de nombreux lieux de transit qui<br />

se réservent à des réseaux exclusifs, à une élite<br />

d’hommes d’affaire (on pense ici aux lounges d’aéroport,<br />

aux hôtels et au salons confinés des innombrables<br />

World Trade Centres), les aires se laissent pénétrer<br />

par des populations et des cultures très diverses. Au<br />

fur et à mesure que le ruban routier traverse les frontières,<br />

les populations locales profitent de leur caractère<br />

neutre et banalisée pour s’affranchir des codes<br />

urbains conventionnels et s’exprimer plus librement<br />

qu’ailleurs. Le paysage digital de l’autoroute agit alors<br />

comme un masque qui permet à toutes les pratiques<br />

illicites et inavouables, de s’exprimer en toute discrétion.<br />

La normalité de l’autoroute devient un gage<br />

d’anonymat et de liberté qui accroît une aptitude à<br />

l’appropriation et à l’improvisation.<br />

Assurance cognitive<br />

La répétition de signes identiques tout au long d’un<br />

parcours comporte en outre un aspect rassurant.<br />

Lorsqu’à travers un itinéraire de 8000 km, la distance<br />

entre les lignes blanches, l’intensité des feux arrières<br />

des voitures et les voitures elles-mêmes demeurent invariablement<br />

les mêmes, nous perdons ce sentiment<br />

d’incertitude qui nous envahit habituellement lorsque<br />

nous nous rendons dans un pays ou un territoire<br />

étranger.A force de nous devancer, les signes de l’autoroute<br />

deviennent étrangement familiers. Ils induisent<br />

une forme de reconnaissance qui nous rassure et qui<br />

Séminaire de préfiguration de la session d’été 2008 | page 80

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