N. MacIntyre et coll.GénéralitésCette publication commune est basée sur les publicationsprécédentes de l’ATS (American Thoracic Society) et de l’ERS(European Respiratory Society), sur lesquelles elle s’appuie largement[1, 2]. Les données ont été remises à jour en fonctiondes nouvelles connaissances scientifiques, et révisées pour tenircompte des opinions consensuelles de ces deux sociétés. Cedocument a été conçu comme un document autonome, maispour certaines questions, un renvoi sera effectué aux publicationsprécédentes. Bien qu’il existe d’autres moyens de mesurerla diffusion du monoxyde de carbone (CO) (par ex. méthodede l’expiration unique, méthode de réinspiration, méthode àl’état stable) [3-9], les recommandations seront limitées à laméthode en apnée, car il s’agit de la méthodologie la plus utiliséedans le monde.La capacité du poumon à échanger des gaz au niveau del’interface alvéolo-capillaire est déterminée par ses propriétésstructurelles et <strong>fonctionnelles</strong> [3-22]. Les propriétés structurellesen question sont :– le volume gazeux pulmonaire ;– la longueur du circuit de diffusion dans la phase gazeuse ;– l’épaisseur et la surface de la membrane alvéolo-capillaire ;– d’éventuelles zones de fermeture des voies aériennes ;– et le volume sanguin dans les capillaires alimentant les alvéolesventilées.Les propriétés <strong>fonctionnelles</strong> importantes à considérersont :– les niveaux absolus de ventilation et de perfusion ;– l’uniformité de leur distribution les uns par rapport auxautres ;– la composition du gaz alvéolaire ;– les caractéristiques de diffusion de la membrane ;– la concentration et les propriétés de fixation de l’hémoglobine(Hb) dans les capillaires alvéolaires ;– et les pressions gazeuses dans le sang entrant dans les capillairespulmonaires où ont lieu les échanges gazeux alvéolaires.DéfinitionsLa vitesse de diffusion du CO dans les poumons est leproduit de la pression partielle alvéolaire en CO excédant lacontrepression existante dans le sang (pression motrice), etd’une constante de diffusion. Il s’agit d’une vitesse globale,concernant la totalité du CO contenu dans le poumon parunité de pression motrice. Pour des raisons pratiques, la captationdu CO pulmonaire (K CO ) est mesurée, à l’aide de laméthode en apnée décrite plus loin, comme étant la baisse dela concentration de CO alvéolaire par unité de temps et parunité de pression motrice de CO (PA,CO) :K CO = ∆[CO]/∆t/PA,CO (1)Lorsque K CO est multiplié par le volume de gaz accessibleau CO (volume alvéolaire ou VA), on obtient la capacitéde diffusion pulmonaire totale du CO par unité de temps etpar unité de pression motrice. Ce produit, K CO x VA, estappelé facteur de transfert pulmonaire du CO en Europe etcapacité de diffusion pulmonaire du CO (DL, CO ) en Amériquedu Nord. Le terme européen prend en compte le fait quela mesure de la capacité de diffusion du CO dépend de plusieursfacteurs (pas uniquement de la diffusion), et correspondà une valeur sous-maximale et donc pas à une véritable« capacité ». Par contre, le terme américain a une significationhistorique considérable et, dans un souci d’uniformisation,l’ERS et l’ATS ont convenu d’utiliser l’expression DL, CO dansce document.L’ERS recommande d’exprimer la DL, CO en unités duSystème International SI, soit mmol.min -1 .kPa -1 , tandis quel’ATS préfère les unités traditionnelles en mL [températurestandard, pression standard, et air sec (STPD)].min -1 .mmHg -1 .En réalité cette question n’est pas très importante, pourvu queles calculs soient effectués en utilisant les mêmes unités. Lesvaleurs en unités SI doivent être multipliées par 2,987 pourobtenir des valeurs en unités traditionnelles.Déterminants de la diffusion du COLe transfert du CO depuis l’environnement jusqu’auxcapillaires sanguins pulmonaires se fait en plusieurs étapes :1) arrivée de CO aux voies aériennes et aux espacesalvéolaires ;2) mélange et diffusion du CO dans les canaux alvéolaires, lessacs alvéolaires et les alvéoles ;3) transfert du CO au travers de l’interface gaz-liquide dans lamembrane alvéolaire ;4) mélange et diffusion du CO dans le parenchyme pulmonaireet dans le plasma des capillaires alvéolaires ;5) diffusion à travers la membrane des globules rouges et àl’intérieur des globules rouges ;6) et réaction chimique avec les éléments constitutifs de l’Hbdu sang [10-16].Le processus de diffusion du CO peut être expliqué demanière simplifiée en faisant appel à deux propriétés de transfertou de conductance : la conductance membranaire (Dm),qui est le reflet des propriétés de diffusion de la membranealvéolo-capillaire, et le degré de liaison du CO à l’Hb. Cettedernière peut être représentée comme étant le produit de lavitesse de réaction CO-Hb (θ) et de la quantité d’Hb présentedans le volume sanguin des capillaires alvéolaires (Vc). Cesconductances s’appliquant en série [14], ces propriétés sontliées entre elles par la formule suivante :l/DL, CO =(1/DM)+(1/(θ×Vc)) (2)Plusieurs modifications physiologiques peuvent influencerla Dm ou le Vc, ce qui modifie par voie de conséquence laDL, CO . Au fur et à mesure du remplissage pulmonaire, la Dmaugmente (à cause du dépliage des membranes et de l’augmentationde la surface), tandis que les changements du Vcsont variables (à cause de différentes valeurs d’étirement etd’aplatissement des capillaires alvéolaires et extra-alvéolaires)[10, 17-24]. L’effet net de ces modifications se traduit par unetendance de la DL, CO à augmenter au fur et à mesure du rem-17S62Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 17S61-17S78
Standardisation de la détermination de la diffusion du monoxyde de carbone par la méthode en apnéeplissage des poumons. L’activité physique, la position couchéeet les manoeuvres de Mueller (efforts inspiratoires contre uneglotte fermée) peuvent toutes recruter et dilater les capillairesalvéolaires, augmentant ainsi le Vc et la DL, CO [25-31]. Unrecrutement alvéolo-capillaire survient aussi dans le tissu pulmonairerestant après une résection chirurgicale, étant donnéque le débit cardiaque se déverse alors dans un réseau capillairerestreint. Ainsi, la perte de Vc est plus faible que l’on nepourrait croire pour la quantité de tissu pulmonaire retirée.Par contre, les manœuvres de Valsalva (efforts expiratoirescontre une glotte fermée) peuvent réduire le Vc et ainsiréduire la DL, CO [29].La mesure de la capacité de diffusion du CO est aussiinfluencée par la distribution de la ventilation en fonction dela Dm ou du produit θVc. En d’autres termes, la capacité dediffusion du CO ne peut être mesurée que dans des zonespulmonaires où le CO a été inspiré et ensuite expiré [15, 16,32, 33]. Ceci est particulièrement important dans despathologies telles que l’emphysème, où le CO inhalé ne peutse distribuer que dans les zones les mieux ventilées du poumon,et la capacité de diffusion du CO sera déterminée principalementpar les propriétés de diffusion dans ces zones.Dans ces conditions, la dilution du gaz traceur utilisée pourcalculer le VA correspond aussi principalement à la dilutionrégionale et sous-estime le volume pulmonaire entier. LaDL, CO ainsi calculée doit donc être considérée avant toutcomme reflétant les propriétés d’échanges gazeux des zonesventilées du poumon.En plus de ces effets physiologiques et de distributionsur la DL, CO , différentes pathologies peuvent modifier laDm, le θVc, ou les deux, et ainsi modifier la DL, CO(tableau I) [5, 6, 34-43]. La mesure de la DL, CO est indiquéechaque fois que ces pathologies sont suspectées ou doiventêtre exclues. La mesure des variations de la DL, CO au coursdu temps permet aussi de suivre l’évolution de ces pathologies.Analyseurs de gaz et matériel généralConception du système1) Les appareils et les instructions générales pour effectuer lamanœuvre de capacité de diffusion en apnée sont décritsailleurs [2, 44-48]. Le matériel utilisé dans la pratique cliniquevarie largement en termes de complexité, mais les principes debase restent les mêmes. Tous les systèmes ont une source de gaztest (bag-in-box, spiromètre, bouteille de gaz comprimé), uneméthode pour mesurer les volumes inspirés et expirés au coursTableau I.Modifications physiologiques et pathologiques qui influencent la capacité de diffusion pulmonaire du CO (DL, CO ).Réduction extra-pulmonaire de l’expansion pulmonaire (VA réduit) produisant des variations de Dm ou de θVc réduisant la DL, COEffort réduit ou faiblesse des muscles <strong>respiratoires</strong>Déformation thoracique empêchant un remplissage completPathologies réduisant le θVc et réduisant par conséquent la DL, COAnémieEmbolie pulmonaireAutres pathologies réduisant le θVc et réduisant par conséquent la DL, COModifications de la fixation de l’Hb (par ex. HbCO, FI,O 2 accrue)Manœuvre de Valsalva (pression intrathoracique accrue)Pathologies réduisant (à des degrés divers) la Dm et le θVc et réduisant par conséquent la DL, CORésection pulmonaire (il existe cependant un recrutement compensatoire du θVc)EmphysèmePneumopathie interstitielle (par ex. fibrose pulmonaire idiopathique, sarcoïdose)Œdème pulmonaireVascularite pulmonaireHypertension pulmonairePathologies augmentant le θVc et augmentant par conséquent la DL, COPolycythémieShunt artério-veineuxHémorragie pulmonaire (n’augmente pas le θVc au sens strict, mais augmente la quantité d’Hb dans les poumons)AsthmeAutres pathologies augmentant le θVc et augmentant par conséquent la DL, COChangement de la fixation à l’Hb (par ex. FI,O 2 réduite)Manœuvre de Mueller (pression intrathoracique diminuée dans l’asthme, respiration contre une résistance)Activité physique (pourrait aussi être une composante de la Dm)Position couchée (pourrait aussi provoquer une légère augmentation de la Dm)Obésité (pourrait aussi être une composante de la Dm)VA : volume alvéolaire ; Dm : composante membranaire de la capacité de diffusion du monoxyde de carbone ; θ : vitesse de réaction chimique entre lemonoxyde de carbone (CO) et l’hémoglobine (Hb) ; Vc : volume capillaire pulmonaire ; FI,O 2 : fraction de l’oxygène dans le gaz inspiré ; Hb : hémoglobine.© 2006 <strong>SPLF</strong>. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 17S63