choses <strong>pour</strong> ces famil<strong>le</strong>s qui ont dû répéter <strong>le</strong>urhistoire à un nombre considérab<strong>le</strong> d’interv<strong>en</strong>antstout <strong>en</strong> sachant qu’il <strong>le</strong>ur faudrait recomm<strong>en</strong>cer<strong>en</strong>core et toujours.La confiance qui s’instal<strong>le</strong> <strong>en</strong>tre l’ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>te etnous permet que nous puissions à certainsmom<strong>en</strong>ts être un intermédiaire <strong>en</strong>tre el<strong>le</strong> et safamil<strong>le</strong> quand tout contact semb<strong>le</strong> impossib<strong>le</strong>.Nous nous efforçons de faciliter une <strong>le</strong>nterestauration d’un li<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t très abîmé, dans<strong>le</strong> respect des famil<strong>le</strong>s et de <strong>le</strong>urscompét<strong>en</strong>ces.Du côté des éducateurs, il s’agit de « lire » unjeune autrem<strong>en</strong>t que par <strong>le</strong>s actes qu’il pose, depr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte autre chose que <strong>la</strong>transgression. Au-delà de <strong>la</strong> conviction qu’il estimportant d’agir de <strong>la</strong> sorte, <strong>le</strong>s éducateursdécouvr<strong>en</strong>t une logique de travail différ<strong>en</strong>te etsont propulsés dans une autre dim<strong>en</strong>sion quecel<strong>le</strong> des cadres habituels vectorisés par <strong>le</strong>r<strong>en</strong>voi.La re<strong>la</strong>tion importante qu’ils instaur<strong>en</strong>t avec uneado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>te est <strong>le</strong> terreau dans <strong>le</strong>quel el<strong>le</strong> peutgrandir et continuer à se développer.Le travail éducatif est certes délicat, stressant etardu, mais quand <strong>la</strong> mayonnaise pr<strong>en</strong>d, <strong>la</strong>métamorphose d’une ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>te peut êtrespectacu<strong>la</strong>ire et très gratifiante.Si <strong>la</strong> non-exclusion est une réalité que <strong>le</strong>sado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>tes vont tester, el<strong>le</strong>s vont devoir êtrecréatives <strong>pour</strong> adopter d’autres types decomportem<strong>en</strong>ts que ceux qui relèv<strong>en</strong>t de <strong>la</strong>transgression.Expérim<strong>en</strong>tant une re<strong>la</strong>tion qui ne se rompt pas,el<strong>le</strong>s vont pouvoir se livrer, s’ouvrir, se <strong>la</strong>ncerdans l’av<strong>en</strong>ture d’une reconstruction affectiveavec <strong>en</strong> chemin une re<strong>la</strong>tion fusionnel<strong>le</strong> avecl’éducateur ou l’éducatrice.Il ne s’agit pas <strong>pour</strong> nous d’att<strong>en</strong>dre <strong>pour</strong> l’autreou de vouloir à tout prix <strong>pour</strong> lui mais d’être là,d’<strong>en</strong>courager un dixième ou un c<strong>en</strong>tième essai,sans att<strong>en</strong>te excessive mais sans désabusem<strong>en</strong>t,<strong>en</strong> croyant que l’étincel<strong>le</strong> peut se produire.Chaque parcours est unique, voici un exemp<strong>le</strong>parmi d’autres.Béatrice 5Ce jour-là, <strong>le</strong> responsab<strong>le</strong> d’un établissem<strong>en</strong>tpsychiatrique me téléphone : « Nous avons unejeune fil<strong>le</strong> de seize ans, notre interv<strong>en</strong>tion setermine et nous avons besoin de trouver uneinstitution d’Aide à <strong>la</strong> Jeunesse qui peut <strong>la</strong> pr<strong>en</strong>dre<strong>en</strong> charge. El<strong>le</strong> est guérie… »Guérie… Je trouve <strong>le</strong> mot assez surpr<strong>en</strong>ant, Maisje comm<strong>en</strong>ce par m’<strong>en</strong>quérir plus prosaïquem<strong>en</strong>tdes raisons qui ont m<strong>en</strong>é au choix de notreinstitution. « Nous avons l’impression qu’el<strong>le</strong>prés<strong>en</strong>te des difficultés de comportem<strong>en</strong>t », merépond-t- on « mais que ce<strong>la</strong> ne relève pas del’interv<strong>en</strong>tion psychiatrique. Donc nous nousadressons à vous. »Nous, <strong>le</strong> Toboggan, un CAS : C<strong>en</strong>tre d’AccueilSpécialisé. Spécialisé… En quoi ? Cetteappel<strong>la</strong>tion cache <strong>en</strong> fait <strong>la</strong> volonté de créer desservices qui s’occup<strong>en</strong>t de jeunes dont personn<strong>en</strong>e veut, des jeunes qui sont à <strong>la</strong> frontière de toutes<strong>le</strong>s problématiques. Le Toboggan figurant sous<strong>la</strong> rubrique Ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ts diffici<strong>le</strong>s du guide social,l’hôpital s’était donc adressé à nous après unnombre considérab<strong>le</strong> de refus.Nous conv<strong>en</strong>ons d’un r<strong>en</strong>dez-vous. Chez nous,comme expliqué plus haut, <strong>le</strong> parti-pris estd’accueillir <strong>le</strong>s jeunes que nous acceptons der<strong>en</strong>contrer. Imaginez-vous expliquer à uneado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>te : V<strong>en</strong>ez vous montrer, on vous diraaprès si on vous accepte ou pas… Nousl’accueillons donc, <strong>pour</strong> cette première <strong>en</strong>trevue,<strong>en</strong>cadrée de deux soignants.Nous nous demandons d’emblée <strong>pour</strong>quoi cettejeune fil<strong>le</strong> se trouve dans un hôpital psychiatrique.Ce qui nous est décrit ne s’appar<strong>en</strong>te pas, à nosyeux <strong>en</strong> tout cas, à des troub<strong>le</strong>s psychiatriques, nimême à quelque comportem<strong>en</strong>t <strong>pour</strong> <strong>le</strong>quel unhôpital psychiatrique aurait pu s’avérerindisp<strong>en</strong>sab<strong>le</strong>. Enfin, il nous faut <strong>la</strong> moitié, si c<strong>en</strong>’est <strong>le</strong>s trois quarts de l’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>, <strong>pour</strong> compr<strong>en</strong>dreque cette jeune fil<strong>le</strong> est hospitalisée depuis l’âgede douze ans, soit depuis quatre ans, et qu’el<strong>le</strong> aséjourné dans deux hôpitaux différ<strong>en</strong>ts…L’équipe du dernier hôpital paraît épuisée. Et c’estainsi que nous appr<strong>en</strong>ons que l’autorité dep<strong>la</strong>cem<strong>en</strong>t avait été interpellée car <strong>la</strong> « ma<strong>la</strong>de »avait, quelque temps auparavant, frappé au pointqu’il y avait lieu de pr<strong>en</strong>dre des mesures.L’interv<strong>en</strong>tion du Magistrat ayant été demandée,el<strong>le</strong> avait été sanctionnée par un séjour <strong>en</strong> I.P.P.J.Une question, dès lors, se pose à nous : cette jeunefil<strong>le</strong> est-el<strong>le</strong> ma<strong>la</strong>de, et donc irresponsab<strong>le</strong>? Ouresponsab<strong>le</strong> ? Auquel cas que fait-el<strong>le</strong> dans unhôpital psychiatrique ? Nous comm<strong>en</strong>çons àdeviner que <strong>le</strong> personnel de l’hôpital, probab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>tà juste titre, t<strong>en</strong>te de faire correspondre <strong>le</strong> profil decette jeune fil<strong>le</strong> à <strong>la</strong> réalité de notre institution ou<strong>en</strong> tout cas de montrer qu’il ne correspond pas à<strong>la</strong> réalité de <strong>la</strong> <strong>le</strong>ur, au mépris peut-être de certainsconstats qui ne nous sont pas transmis.C’est dans ce contexte que nous acceptons cettejeune fil<strong>le</strong> qui, par ail<strong>le</strong>urs, n’a pas du tout <strong>le</strong>souhait de quitter l’hôpital où el<strong>le</strong> vit depuis desannées. El<strong>le</strong> nous dit, d’ail<strong>le</strong>urs : « Moi ? Je suisfol<strong>le</strong>. » Nous décidons de <strong>la</strong> contrarier : Non, tun’es pas fol<strong>le</strong> ! Tu es comme <strong>le</strong>s autres. Et si tuvi<strong>en</strong>s chez nous, tu seras prise <strong>en</strong> charge commetoutes <strong>le</strong>s autres fil<strong>le</strong>s. Si dans ton évolution, tucrées des problèmes, nous te considéreronscomme responsab<strong>le</strong>. Pas comme une ma<strong>la</strong>de.La jeune fil<strong>le</strong>, lorsqu’el<strong>le</strong> s’instal<strong>le</strong> chez nous, setrouve dans une incompréh<strong>en</strong>sion tota<strong>le</strong> des raisons<strong>pour</strong> <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s el<strong>le</strong> quitte l’hôpital. De plus, nousconstatons qu’il reste des problèmes dont il n’avaitjamais été question, à cause de cette volonté defaire glisser aux forceps <strong>la</strong> jeune dans une maisond’hébergem<strong>en</strong>t tel<strong>le</strong> que <strong>la</strong> nôtre. El<strong>le</strong> souffred’énurésie, nocturne mais éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t diurne etd’<strong>en</strong>coprésie. Imaginez une jeune fil<strong>le</strong> de seize ans,<strong>en</strong>tourée d’autres du même âge pas particulièrem<strong>en</strong>ttolérantes et qui ne peut se ret<strong>en</strong>ir d’uriner dans saculotte, <strong>en</strong> voiture, dans son lit, et de déféquer dans<strong>le</strong>s poubel<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s douches…Nous nous obstinons à lui répéter qu’el<strong>le</strong> n’estpas fol<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> s’<strong>en</strong>tête à dire qu’el<strong>le</strong> l’est. Et puisqu<strong>en</strong>ous ne voulons pas <strong>la</strong> croire, et bi<strong>en</strong>, el<strong>le</strong> va nous<strong>le</strong> prouver. Et c’est ce qu’el<strong>le</strong> fait. Avec une certaine40<strong>Conflu<strong>en</strong>ce</strong>s N°<strong>26</strong> Juin 2011
constance. P<strong>en</strong>dant plusieurs mois, nous sommesface à des comportem<strong>en</strong>ts invraisemb<strong>la</strong>b<strong>le</strong>s et<strong>en</strong> tout cas insupportab<strong>le</strong>s dans une institutiond’Aide à <strong>la</strong> Jeunesse. El<strong>le</strong> s’accroche à un pont<strong>pour</strong> sauter dans <strong>le</strong> canal, crée des embouteil<strong>la</strong>gesau c<strong>en</strong>tre de <strong>la</strong> vil<strong>le</strong> parce qu’el<strong>le</strong> va sauter sousun bus, s’automuti<strong>le</strong>, répète qu’el<strong>le</strong> va se jeter de<strong>la</strong> f<strong>en</strong>être et exerce sa vio<strong>le</strong>nce sur <strong>le</strong>s autres.Son départ de l’hôpital et son arrivée chez nous neconstitu<strong>en</strong>t-ils pas une forme de maltraitancesusceptib<strong>le</strong> d’am<strong>en</strong>er à ce type de comportem<strong>en</strong>t,ou du moins à <strong>le</strong> r<strong>en</strong>forcer ? Ses comportem<strong>en</strong>tst<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t c<strong>la</strong>irem<strong>en</strong>t à nous prouver que c’est bi<strong>en</strong> àl’hôpital qu’el<strong>le</strong> doit retourner, d’autant que chacunede <strong>le</strong>urs conversations téléphoniques se conclutpar : « Non, non tu ne peux pas rev<strong>en</strong>ir !! Non, non,tu sais bi<strong>en</strong> qu’on a dit que tu ne revi<strong>en</strong>drais pas ! ».Nous t<strong>en</strong>ons bon et ne l’excluons pas de l’institutionni <strong>pour</strong> un retour à l’hôpital ni <strong>pour</strong> un ail<strong>le</strong>urs.Pr<strong>en</strong>ons <strong>le</strong> temps de découvrir son passé.Dès sa naissance, cette jeune fil<strong>le</strong> est ballottée desituation diffici<strong>le</strong> <strong>en</strong> situation diffici<strong>le</strong>. A un an, el<strong>le</strong>est prise <strong>en</strong> charge par une famil<strong>le</strong> d’accueil. Si ses10 premières années n’ont pas été faci<strong>le</strong>s, el<strong>le</strong>sétai<strong>en</strong>t néanmoins rassurantes : el<strong>le</strong> avait un papaet une maman <strong>pour</strong> el<strong>le</strong> toute seu<strong>le</strong>. Alors est arrivéun nouveau-né. Ses comportem<strong>en</strong>ts jusqu’alorsdiffici<strong>le</strong>s mais raisonnab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t acceptab<strong>le</strong>s, sesont, avec cette angoisse de perdre sa p<strong>la</strong>ce,transformés <strong>en</strong> actes agressifs <strong>en</strong>vers <strong>le</strong> bébé.Situation évidemm<strong>en</strong>t insupportab<strong>le</strong> <strong>pour</strong> <strong>la</strong> famil<strong>le</strong>d’accueil, qui n’a d’autre ressort que de l’écarterétant donné <strong>la</strong> dangerosité de ses actes. Et c’estainsi que début<strong>en</strong>t, l’année de ses douze ans, <strong>le</strong>shospitalisations psychiatriques.El<strong>le</strong> est ce que nous appelons une « abandonnique». Le seul li<strong>en</strong> qui lui restait, malgré toutes<strong>le</strong>s épreuves qu’el<strong>le</strong> lui avait fait subir, était celuiqui <strong>la</strong> reliait à cet hôpital. Cette structure trèslourde, grâce aux médicam<strong>en</strong>ts, au nombred’interv<strong>en</strong>ants, à un travail certain, avait pusupporter <strong>le</strong>s différ<strong>en</strong>ts symptômes. Oui, un li<strong>en</strong>s’y était créé. Que nous étions <strong>en</strong> train de rompre…Quand <strong>le</strong> psychologue rédigea un rapport positif :Ce<strong>la</strong> va beaucoup mieux. On peut <strong>en</strong>visager tondépart, el<strong>le</strong> mit <strong>le</strong> feu à ses cheveux. Comm<strong>en</strong>taurait-el<strong>le</strong> pu mieux exprimer son angoisse etdire : Vous voyez bi<strong>en</strong> que je ne suis pas prête ?Cette notion d’abandon nous permet de reconsidérer<strong>la</strong> situation sous l’ang<strong>le</strong> du li<strong>en</strong>. Nous nousefforçons de retrouver <strong>la</strong> famil<strong>le</strong> naturel<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> aune maman, qui est là, quelque part, qui n’estjamais vraim<strong>en</strong>t interv<strong>en</strong>ue que de très loin et qui,el<strong>le</strong>-même, est très limitée, tant sur <strong>le</strong> p<strong>la</strong>nintel<strong>le</strong>ctuel que sur <strong>le</strong> p<strong>la</strong>n de l’équilibre psychique,avec de longues périodes de prise <strong>en</strong> charge socia<strong>le</strong>et psychiatrique. Et si cette maman pouvait (re)dev<strong>en</strong>ir un point d’accrochage ? Ce<strong>la</strong> semb<strong>la</strong>its<strong>en</strong>sé et aurait permis de dépasser <strong>le</strong> cadre formelde l’interv<strong>en</strong>tion. En effet, si l’institution est soumiseaux limites de son mandat judiciaire (<strong>pour</strong> mineuresd’âge, notamm<strong>en</strong>t), <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce d’une mère, el<strong>le</strong>, neconnaît ni limite d’âge, ni mandat…Entre temps, <strong>la</strong> jeune fil<strong>le</strong> continue à vérifier si nousavions <strong>la</strong> même capacité que l’hôpital de maint<strong>en</strong>irun li<strong>en</strong>. Je ne détail<strong>le</strong>rai pas <strong>le</strong>s symptômes c<strong>en</strong>sésprouver qu’el<strong>le</strong> était fol<strong>le</strong>, qui nous mettai<strong>en</strong>t dans<strong>la</strong> quasi-impossibilité de <strong>la</strong> supporter : taper sur<strong>le</strong>s éducateurs, provoquer des situations de peurgénéralisées, jusqu’à ce qu’un jour, el<strong>le</strong> c<strong>la</strong>ironne :Je mets <strong>le</strong> feu à l’institution…, et qu’el<strong>le</strong> <strong>le</strong> fasse. Etel<strong>le</strong> fit même <strong>en</strong> sorte que ce soit sa chambre et sonlit qui comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t par brû<strong>le</strong>r. Quel moy<strong>en</strong> plusc<strong>la</strong>ir de nous dire que nous ne pouvions plus <strong>la</strong>garder : il n’y avait plus de p<strong>la</strong>ce <strong>pour</strong> son lit…La réaction première, humaine, logique et habituel<strong>le</strong>dans ce g<strong>en</strong>re de situation, est <strong>le</strong> rejet total. Et il estvrai que nous avions bi<strong>en</strong> du mal à continuer àtravail<strong>le</strong>r avec el<strong>le</strong>, là, dans l’immédiat ! Sans par<strong>le</strong>rde l’émeute parmi <strong>le</strong>s jeunes, qui n’avai<strong>en</strong>t el<strong>le</strong>squ’une <strong>en</strong>vie, c’était de lui « faire <strong>la</strong> peau » ! Comm<strong>en</strong>tl’équipe éducative aurait-el<strong>le</strong> pu imaginer, dans cecontexte, continuer de travail<strong>le</strong>r avec une jeune fil<strong>le</strong>qui avait mis <strong>le</strong>ur vie <strong>en</strong> « jeu(x) » ? Il y avait uns<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’impossibilité. Un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’iso<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t,de découragem<strong>en</strong>t, d’atteinte des limites.C’est là que <strong>le</strong> Juge de <strong>la</strong> Jeunesse a pris unedécision déterminante.Il fal<strong>la</strong>it réagir, et de manière pertin<strong>en</strong>te, et <strong>en</strong>même temps, ne pas détruire <strong>le</strong> travail qui pouvait<strong>en</strong>core se faire, après. Il y avait eu transgressionmassive de <strong>la</strong> Loi et, dès l’instant où nous avionstoujours affirmé : Tu es une jeune fil<strong>le</strong> comme <strong>le</strong>sautres, responsab<strong>le</strong> de tes actes, il était diffici<strong>le</strong>de ne pas lui faire assumer sa conduite ! El<strong>le</strong> adonc été ori<strong>en</strong>tée vers l’I.P.P.J. de St Servais :quarante- deux jours <strong>en</strong> section fermée.P<strong>en</strong>dant ce temps là, j’avais <strong>la</strong> volonté de travail<strong>le</strong>r,avec l’équipe éducative, sur ce fameux li<strong>en</strong>, <strong>en</strong>treel<strong>le</strong> et nous, qui me semb<strong>la</strong>it au c<strong>en</strong>tre de <strong>la</strong> situation.Nous ne devions pas nous arrêter à ce dernierévénem<strong>en</strong>t, si grave fût-il. Mais que pouvait-onmettre <strong>en</strong> p<strong>la</strong>ce ? Il fal<strong>la</strong>it absolum<strong>en</strong>t qu’el<strong>le</strong> n’aitpas réussi dans <strong>la</strong> rupture du li<strong>en</strong> et <strong>pour</strong> ce<strong>la</strong>convaincre <strong>le</strong>s éducateurs de <strong>la</strong> repr<strong>en</strong>dre !Les discussions n’ont pas été faci<strong>le</strong>s. A force d’<strong>en</strong>par<strong>le</strong>r, de démonter son parcours depuis sonarrivée, <strong>la</strong> logique de <strong>la</strong> situation apparaissait. Il nefal<strong>la</strong>it pas s’arrêter au fait qu’el<strong>le</strong> v<strong>en</strong>ait de commettre,<strong>le</strong> voir de manière primaire et isolée. Il fal<strong>la</strong>it l’inscriredans un <strong>en</strong>semb<strong>le</strong>, beaucoup plus global.L’institution ne doit pas se mettre dans uneposition de juge et d’acteur de <strong>la</strong> Loi. C’est ce quinous a guidés. Et notre décision, à ce mom<strong>en</strong>t là,fut probab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t l’acte <strong>le</strong> plus thérapeutique posédans toute l’histoire de ce jeune. Nous lui avonsdit : Oui, effectivem<strong>en</strong>t, on te repr<strong>en</strong>d…Ce<strong>la</strong> a été probab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>la</strong> plus grande de sessurprises.Quand, à l’I.P.P.J, je lui ai répété : Tu revi<strong>en</strong>s, jep<strong>en</strong>se qu’el<strong>le</strong> s’est demandée si je n’étais pas fou.El<strong>le</strong> s’imaginait <strong>en</strong>core retourner à l’hôpital. Je nevous dis d’ail<strong>le</strong>urs pas l’inquiétude de l’hôpitalqui ne <strong>le</strong> souhaitait pas vraim<strong>en</strong>t…Mais, dire : Tu revi<strong>en</strong>s, c’était trop court. Il fal<strong>la</strong>itavant tout reconstruire l’institution et ne pluspr<strong>en</strong>dre <strong>le</strong> risque de <strong>la</strong> faire brû<strong>le</strong>r à nouveau. Cequ’il fal<strong>la</strong>it, c’était repartir, <strong>en</strong>semb<strong>le</strong>, mais dans uncontexte qui donnait s<strong>en</strong>s à <strong>la</strong> raison de repartir. Iln’y avait pas que <strong>le</strong> fait de dire oui. Quoi qu’el<strong>le</strong> aitfait, el<strong>le</strong> rev<strong>en</strong>ait, mais ce<strong>la</strong> ne signifiait pas qu’el<strong>le</strong>ne payait pas <strong>le</strong>s conséqu<strong>en</strong>ces de ses actes.Mais <strong>en</strong> pratique ?DOSSIER<strong>Conflu<strong>en</strong>ce</strong>s N°<strong>26</strong> Juin 2011 41