Désolé j'ai ciné #8
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Roma a tout pour faire peur. Distribué<br />
par Netflix, film espagnol dont l’histoire<br />
se déroule dans les années 70, de surcroît<br />
en noir et blanc, d’une durée de plus de 2<br />
heures, il en rebutera sûrement plus d’un.<br />
Beaucoup d’entre eux regretteront sa nonprésence<br />
sur les écrans. A juste titre, certes,<br />
mais “Roma” est profondément plus qu’un<br />
simple film de <strong>ciné</strong>ma.<br />
C’est un film naturaliste, intimiste, qui<br />
s’inspire directement de l’enfance de<br />
Cuaron dans le quartier de Colonia Roma à<br />
Mexico. On suit le quotidien d’une famille<br />
bourgeoise du point de vue de Cleo, la<br />
nounou de la famille. Le film s’ouvre sur un<br />
plan fixe d’un sol, puis une vague d’eau vient<br />
le recouvrir, nous révélant, par un habile jeu<br />
de reflet, le ciel au-dessus de nous. Notre<br />
regard toujours fixé sur ce plan se retrouve<br />
coupé par le passage d’un avion. Ici, dans<br />
ces cinq premières minutes, Cuaron nous<br />
révèle toute sa démarche.<br />
Le film prendra son temps. Le film nous<br />
montrera plusieurs couches les unes sur<br />
les autres, parfois pas directement mais<br />
justement par ce jeu de reflet. Chaque détail<br />
établira un événement prochain. Le noir et<br />
blanc n’est pas là, à mon sens, pour établir<br />
une dualité, mais pour souligner un contraste.<br />
Qu’il soit social, spatial (tout est question<br />
d’espace dans “Roma”) ou encore lié aux<br />
personnages. Car Cuaron met en scène des<br />
portraits de femmes incroyablement fortes<br />
vis-à-vis des hommes qui les entourent.<br />
C’est un film d’une bienveillance sans<br />
pareille mais qui ne s’empêchera pas<br />
de bousculer son spectateur. Certaines<br />
scènes sont dévastatrices et continuent<br />
de nous suivre bien longtemps après leur<br />
visionnage. D’un réalisme véritablement<br />
éprouvant d’autant plus souligné par le<br />
temps que prend le film. La forme suit à la<br />
perfection cette démarche en nous invitant,<br />
grâce à des travellings très lents, à observer<br />
et à apprécier les détails qui composent le<br />
quotidien de Cleo et de cette famille.<br />
Couronné par un Lion d’Or à la Mostra de<br />
Venise de cette année, “Roma” mérite qu’on<br />
parle de lui. C’est un film que Cuaron a<br />
rempli d’une passion et d’une douceur sans<br />
pareil qu’il semblait naturel que l’on puisse<br />
lire le titre à l’envers et en découvrir le sens<br />
caché : ‘’Amor’’.<br />
Baptiste Andre