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Olive Senior - PEN International

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DES PAROLES ... PATRICE NGANANG<br />

époque, nous. « Nous somme orphelins de nations », disait Sami Tchak ; des beasts<br />

of no nation, lui répond le titre d’un roman récent d’Iweala. Même les malheurs si<br />

chantés jadis de l’écrivain en exil ont perdu de leurs lustres, l’exil comme concept<br />

n’étant plus entendu lui aussi que comme un autre chapitre du projet national.<br />

Des « migrants », dit-on plutôt aujourd’hui, ou alors des « nomades » – nous<br />

sommes des écrivains « accessoirement africains », selon la formule de Waberi.<br />

Cosmopolitanism d’Anthony Appiah peut tracer dans la Grèce antique la généalogie<br />

des actes communs posés dans le marché de Koumassi, actes qui sous un regard<br />

entrainé à la lecture fanonienne, et qui à travers Hegel puisait lui aussi chez les<br />

Grecs, n’y aurait sans doute vu que démission la conscience nationale. En réalité,<br />

une réécriture de notre temps est en train d’avoir lieu. Elle cherche ses concepts en<br />

tâtonnant, mais refuse d’aller en profondeur. Son credo c’est la dénationalisation de<br />

la littérature africaine. La dénationalisation de la littérature francophone africaine<br />

aujourd’hui fait cependant écho à sa déracialisation annoncée déjà en 1948 par<br />

Sartre. C’est que la dialectique de l’histoire des peuples dominés est inévitable<br />

dans sa cyclique nécrophagie. Plus pauvres en concepts que nos ainés, des auteurs<br />

africains ont découvert aujourd’hui soudain dans les promesses de la « littératuremonde<br />

en français » et accumulé dans un manifeste publié dans Le Monde, des<br />

mots pour réactualiser, paraphrasons un peu Sartre ici, « la synthèse ou réalisation<br />

de l’humain dans un espace français sans nations », tandis que dans les concepts<br />

d’Édouard Glissant ils ont trouvé l’écume notionnelle pour dire leur continent: «<br />

l’identité-monde ». Dites, comment ne pas rire, car la dialectique est ce couperet<br />

qui ici aussi de cette nouvelle littérature francophone annonce déjà la mort, alors<br />

que le continent africain a encore tant d’histoires à raconter ! C’est le monde (en<br />

français) qu’ils veulent conquérir, nous disent ces auteurs francomondiaux – et ils<br />

croient innover! Les critiques ne peuvent que se réjouir, eux pour le bonheur de<br />

qui la littérature africaine a été réduite par ses propres auteurs a deux librairies<br />

parisiennes. Mais il y a pire cependant que ces balbutiements théoriques, car au<br />

fond, la littérature africaine francophone ne répète que le cercle de sa fuite en avant<br />

qu’on sait déjà, et dont la conclusion au fond a toujours été son anéantissement.<br />

Or cette fois ce n’est plus la négritude ou la nation, c’est la littérature africaine<br />

que ses auteurs mettent sur la balance. Eux qui heureux entérinent la mort de<br />

la littérature francophone dans l’’universel’ de la ‘littérature-monde en français’,<br />

entendent-ils cette voix si proche pourtant qui leur conseille d’inverser le tout,<br />

bref, de revenir au b a ba de la chose littéraire, et leur chuchote un mot qui est un<br />

sésame? Ce mot c’est shümum. Avec lui, c’est l’écriture préemptive qui annonce<br />

une fois de plus son train.<br />

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