Olive Senior - PEN International

DES PAROLES ... SYLVESTRE CLANCIER
Il le fit entreposer dans sa maison, n’épargnant qu’un étroit réduit
d’où, se nourrissant de pain et d’eau, il pourrait le contempler à loisir.
Il savait que la recherche de l’or en pierre, à partir de certains
principes philosophales, avait en vain préoccupé avant lui bon nombre
d’honnêtes gens ; mais, sachant que le diamant était incomparable,
il n’avait pas la moindre idée d’échec.
Ses connaissances géologiques lui disaient qu’en plusieurs
millénaires le charbon se changeait en diamant. Aussi, frénétiquement
enthousiaste, il se mit à observer jour et nuit la lente évolution de
son stock. Armé d’une loupe, il inspectait avec minutie les moindres
fissures de chacun des boulets dans l’espoir d’y déceler un éclat plus
intense.
Son espoir était si ardent qu’il ne vit point le temps passer : le poids
des ans ne pesa point sur ses épaules.
Un matin, ou plutôt on ne sait quand, ses yeux se firent diamants :
le charbon resplendissait. Il ouvrit sa fenêtre : le monde n’existait plus.
Il faisait froid, une immense épaisseur de glace entourait sa maison.
Il ne put enflammer ses diamants, et mourut bien avant qu’ils ne
redeviennent charbons ardents.
III. Métallurgie
Les galeries s’emplissent du bruit de ses pas, les portes claquent, les
murs résonnent et renvoient sa voix. Oui, Mr Peter Schönhold a la
vulgaire manie d’inspecter tous les jours sa maison de retraite.
Sous ses pieds crissent des graviers d’argent et vole une poussière
d’or. En effet, Mr Peter, roi de l’acier suédois, eut l’idée voici quelques
années de parer sa demeure de divers métaux rares. Un jour, il aime
surveiller son jardinier taillant quelques haies de cobalt ; un autre, il
ordonne à ses gens d’orner de pommes d’or ses compotiers d’ivoire,
puis il s’en va allègrement pousser sa tondeuse chimique sur son gazon
d’airain. Mais aujourd’hui, après une courte promenade, Mr Peter s’en
va s’asseoir sur son fauteuil cuivré. De là, il s’attarde à contempler la
massive statue d’argent allégorie du Temps qu’il a fait ériger au nom
de la devise.
Par la porte restée entrellée, notre roi de l’acier perçoit soudain
des voix. Prêtant l’oreille, il entend de méchantes paroles :
« Le Schönhold, c’est une vraie tête de bois.
– Oui, c’est même un vrai cœur de pierre.
– Tu as raison, et nos malheurs ne sont pas près de finir, car le
bonhomme a une santé de fer. »
Alors, le roi de l’acier suédois se tord de douleur sur son fauteuil
cuivré.
Toute une vie perdue : il s’en rend compte maintenant. Que lui
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