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BYE-BYE CANADA<br />
Je suis plutôt du genre à piger un peu partout sur la planète pour former mon moi personnel. Oui, je fais partie<br />
de cette espèce de vendus qui bouffent la culture de partout dans <strong>le</strong> monde sans aucun égard pour <strong>le</strong> pays qui<br />
<strong>le</strong>s a mis au monde. Mais pas parce que je ne gigue pas au son de Mes Aïeux, que je ne rote pas de la grosse<br />
Labatt B<strong>le</strong>ue, que je ne chante pas Marie-Mai ni Cœur de Pirate, que je ne bande pas sur Patrick Huard ni Gino<br />
Chouinard, que je ne mange pas de pâté chinois, de bines ou de poutine, que je ne vais pas à la cabane à<br />
sucre, que je n’ai pas de roulotte au camping Ste-Made<strong>le</strong>ine et que je n’ai pas trippé sur Les Bougons, La Petite<br />
Vie ou Les Têtes à Claque que ça m’empêche d’être fière de mes racines québécoises.<br />
Je suis quand même une fan finie de Michel Tremblay et j’ai grandi à Rosemont, moi, madame, et en matière<br />
de culture québécoise, tu peux pas trouver plus québécois que ça! Et croyez-moi, je ne me gêne pas pour<br />
répéter aux quatre coins de la planète quand je voyage que <strong>le</strong> Québec est un endroit unique, encore à l’abri de<br />
la mondialisation (ou presque), où il fait bon vivre, s’épanouir, chia<strong>le</strong>r, ne rien foutre, brasser d’la marde, refaire<br />
<strong>le</strong> monde, rêver et être convaincu qu’on est <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur peup<strong>le</strong> au monde.<br />
Le Québec, c’est la Gau<strong>le</strong> d’Astérix, <strong>le</strong> Village des Schtroumpfs, <strong>le</strong> Far West de Lucky Luke et l’univers des Simpsons.<br />
Mais c’est surtout <strong>le</strong> secret <strong>le</strong> mieux gardé de l’Amérique. Chut, faut pas <strong>le</strong> dire trop fort, il pourrait y<br />
avoir des English Canadians qui écoutent aux portes et on va encore se faire traiter d’enfants gâtés, de réactionnaires<br />
ou de méchants séparatistes. Mais y’a pas de danger que ça arrive, c’te monde-là, ça comprend<br />
aussi bien <strong>le</strong> français que moi je peux réciter par cœur toutes <strong>le</strong>s paro<strong>le</strong>s d’une chanson de Chloé Ste-Marie.<br />
Mais <strong>le</strong> Québec, c’est aussi ben du monde qui ne sont pas nés au Canada, comme ma mère italienne qui m’a<br />
apprise à faire de la lasagne, à mettre du salami sur ma pizza, à aimer <strong>le</strong>s hommes poilus, à tripper sur l’opéra<br />
et à donner des tapes en arrière de la tête de mes employés quand ils sont tannants. Même si mon cœur est<br />
au Québec, ma tête ne se gênera jamais d’al<strong>le</strong>r voir ce qu’il y a ail<strong>le</strong>urs. Voilà, je l’ai trouvé! Je suis citoyenne<br />
du monde. Je suis Christophe Colomb, Tintin, Dora l’exploratrice, et la Terre m’appartient! Rien de moins!<br />
On dit que <strong>le</strong>s voyages forment la jeunesse, mais moi, je dis que ça rend aussi curieux, intelligent et ça donne<br />
<strong>le</strong> goût d’en savoir et d’en avoir toujours plus. Quand on y pense, c’est ben plus l’fun de manger une boite de<br />
chocolats mélangés que toujours la même boite de Turt<strong>le</strong>s! Est-ce que ça me rend moins souverainiste?<br />
206 <strong>Fugues</strong>.com juin 2011<br />
Dur retour à la réalité après un traumatisme politique<br />
qui risque de nous faire regretter d’avance<br />
<strong>le</strong>s quatre prochaines années et qui pourrait<br />
même raviver de viel<strong>le</strong>s chicanes sur l’utilité des<br />
deux langues officiel<strong>le</strong>s à la grandeur du pays. Qui sait,<br />
c’est peut-être ça que ça prendra pour réveil<strong>le</strong>r la fibre<br />
nationaliste au cœur du Québécois endormi. Seul <strong>le</strong><br />
temps me donnera raison ou tort. Une chose est sûre,<br />
pendant <strong>le</strong>s prochains quatre ans, ne me par<strong>le</strong>z plus du<br />
Canada, je vis au Québec. En fait je vis à Montréal, terre<br />
de tous <strong>le</strong>s fantasmes et de toutes <strong>le</strong>s permissions, reconnue<br />
internationa<strong>le</strong>ment pour sa «joie de vivre», par<br />
son ouverture d’esprit, par sa diversité culturel<strong>le</strong>, sa<br />
liberté de penser et par son stade en forme de bol de<br />
toi<strong>le</strong>tte. Mais dans <strong>le</strong> fond, mes chéris, que je dise<br />
que je vis à Montréal, au Québec ou au Canada, c’est<br />
vraiment pas ça qui me définit comme individu.<br />
ù PHOTO ROBERT LALIBERTÉ