dernier numéro de décembre - ALBA

IUA
« Gaza Shield » : un jeu, un film
C’est une belle histoire que celle qui m’a été racontée ce mercredi-là.
Une histoire qui prouve que la révolte peut se muer en créativité, et
dans ce cas-ci, donner lieu à deux pépites : un jeu online et un film qui
fait le tour du monde.
Rencontre avec Reine Abbas, co-fondatrice de Wixel Studios, cocréatrice
du jeu « Gaza Shield » et enseignante à l’Alba.
« Tout a commencé presque par erreur ! Pendant la guerre de Gaza
2009, mes collaborateurs et moi avons découvert sur un site internet
américain très fréquenté qu’un nouveau jeu venait de sortir : il était
créé par des Israéliens et il s’agissait de bombarder Gaza, de toucher
les endroits-cibles et de tuer le plus de Palestiniens possible, y compris
des enfants. Nous avons été tellement choqués… que nous avons
immédiatement décidé de répliquer en créant un nouveau jeu.
Ziad Feghali, Karim Abi Saleh et moi-même avons alors arrêté toutes
nos activités (et nous avions pourtant plusieurs commandes sur le
feu !) et sommes restés durant quatre jours et trois nuits au studio.
Nous avons dormi sur place, mangé sur place… c’était de l’intensif mais
nous étions tellement révoltés que nous avons voulu rétorquer sans
délai à l’autre jeu (qui avait été inventé au début de la guerre).
Dans notre jeu, Gaza Shield, le but est de défendre Gaza, de détruire
les bombes qui pleuvent et d’intercepter les colis humanitaires.
C’est un jeu en ligne gratuit qui fonctionne par niveaux, il y en a 15
au total. A la fin de chaque partie, l’écran affiche le nombre d’enfants
sauvés. Le but est de rester positif, à chaque fois que quelqu’un joue, les
enfants le remercient d’avoir essayé de les sauver. Je me suis occupée
de tous les graphismes, les personnages et les décors, le jeu commence
en noir et blanc et à chaque niveau passé, l’environnement se colore.
Je ne voulais pas montrer des enfants pâles, noirs et sales… je voulais
montrer l’espoir ! Avec de beaux sourires… Je n’avais pas le temps de
faire une recherche et je me suis concentrée sur les dessins, tout était
dans ma tête, j’ai eu une sorte de vision dès le premier jour, les couleurs
l’environnement, etc… par exemple, j’ai dessiné le tank comme si c’était
un jeu innocent. On a même créé nous-mêmes la musique »
Quatre jours de folie, d’intensité créative…
Et c’est là que la deuxième partie de cette aventure commence.
« Il se trouve que, purement par hasard, au moment où nous
avons découvert cet horrible jeu en ligne, notre amie Tania Khalaf
qui habite au Texas et est réalisatrice, était en visite chez nous.
Elle a été enthousiasmée par notre projet de jeu et a décidé de faire
un documentaire sur le « making of ». Elle nous a donc filmés depuis
le début, depuis les premières discussions, depuis la première ligne de
code. Elle nous a filmés nous, avec nos caractères, elle m’a filmée moi,
enceinte de sept mois à l’époque, comment je dessine les premières
esquisses sur le papier, Ziad qui fait le café, nos blagues, nos fous-rires
de fatigue, Karim qui s’écroule sur le canapé…
Nous avons tous dormi ensemble au bureau durant tout ce temps-là.
Tania était avec nous, parmi nous, fondue très naturellement dans le
décor avec sa caméra, en observatrice. Le troisième jour, elle a réalisé
des mini-interviews de nous. J’étais très sensible à cette époque, car
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