dernier numéro de décembre - ALBA
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IUA<br />
Jo Honein : Organiquement vôtre<br />
« Je suis persuadé que les cinq sens connus <strong>de</strong> l’homme ne sont pas<br />
les seuls, mais que les autres sens, le psychologique, l’organique, le<br />
psychique… sont en relation perpétuelle. » soutient Jo Honein, jeune<br />
artiste et professeur à l’Alba.<br />
Succession <strong>de</strong> couches <strong>de</strong> lignes grattées, entassement <strong>de</strong> surfaces<br />
qui chacune reflètent un état d’âme, un souvenir, une émotion...<br />
Sa peinture, à fleur <strong>de</strong> peau, est plus qu’un moyen d’expression, c’est<br />
un bourdonnement, une recherche continue qu’il qualifie d’ « organique<br />
», une définition personnelle d’une œuvre difficilement catégorisable.<br />
Mais pourquoi ce terme ? Pourquoi les cellules, l’être humain,<br />
le corporel ?<br />
« Je travaille sur le corps humain <strong>de</strong>puis que je suis petit, ça m’a toujours<br />
fasciné. Et quand on est passionné par quelque chose, en amour ou en<br />
art, on ne peut pas s’arrêter sur l’aspect extérieur, on cherche toujours<br />
à aller voir plus loin, plus profond… jusqu’à atteindre le cœur, le noyau,<br />
la cellule.<br />
Comme je suis spirituel, que j’ai la foi, je suis persuadé que le corps est<br />
le domicile <strong>de</strong> l’esprit. Nous, êtres humains, sommes faits d’instinct, <strong>de</strong><br />
chair (l’organique, le corps, l’enveloppe) et d’esprit. Cette trinité fait<br />
qu’on est <strong>de</strong>s être parfois complexes, parfois simples, ça dépend quelle<br />
partie domine l’autre… C’est pourquoi je suis continuellement en conflit<br />
dans ma peinture : l’instinct porte le spirituel, le corps porte le divin.<br />
Quand on contemple ma peinture, on ne la voit pas. Il ne faut pas<br />
comprendre. Soit on la vit, soit on la ressent, soit on la contemple.<br />
Et quand elle nous touche, on la ressent. La peinture « organique » éveille<br />
la curiosité intellectuelle, la curiosité <strong>de</strong> disséquer la superposition<br />
<strong>de</strong>s surfaces, la succession <strong>de</strong>s plans, la perspective… Pour moi,<br />
l’organique a une connotation scientifique. Ce n’est pas seulement le<br />
corps biologique mais aussi la peinture elle-même qui est scientifique<br />
pour moi. Et c’est la seule science qui déclenche les émotions. Car<br />
quand on parle <strong>de</strong> peinture, c’est d’abord du scientifique : les mesures,<br />
les dimensions, l’équilibre, les masses, les plans et leurs successions,<br />
la <strong>de</strong>nsité, la composition <strong>de</strong>s couleurs… C’est le graphisme qui crée<br />
<strong>de</strong>s plans, l’architecture <strong>de</strong> la toile est une science. Et puis vient la<br />
perception, qui elle est purement émotionnelle.<br />
Quand on est un véritable artiste, on compose spontanément les formes<br />
en faisant appel à une base scientifique sans y penser. »<br />
52<br />
Page libre<br />
L’organique donc, une notion purement<br />
scientifique incorporée dans un univers<br />
artistique, ce n’est pas banal et c’est ainsi que<br />
Jo a été invité à l’inauguration d’un laboratoire<br />
<strong>de</strong> recherche, Vaccine & Gene Therapy Institute<br />
(VGTI) of Florida.<br />
« Ils désiraient acquérir une <strong>de</strong> mes toiles pour<br />
décorer leur centre et m’ont invité à une « silent<br />
auction ». Ces scientifiques étaient surpris<br />
qu’un artiste puisse être inspiré par la division<br />
cellulaire, l’organique… car pour eux, c’est un<br />
sujet froid et cartésien, ça se calcule, c’est<br />
une recherche continue. Ils étaient surpris <strong>de</strong><br />
constater que cela puisse être la même chose<br />
pour un artiste, à un niveau différent. J’avais<br />
emporté avec moi une série <strong>de</strong> mes peintures<br />
que j’ai exposées et j’ai fait une donation pour<br />
le centre.<br />
Durant mon séjour là-bas, j’ai également été<br />
invité à aller visiter les laboratoires. C’était<br />
merveilleux car j’ai pu voir ce que je n’aurais<br />
jamais eu l’occasion <strong>de</strong> voir autrement, <strong>de</strong>s<br />
cellules infectieuses au microscope. En fait,<br />
ils colorient les cellules pour pouvoir les<br />
distinguer au microscope et moi je les colorie<br />
sur ma toile. On traite le même processus mais<br />
avec une expression différente. »<br />
Photos : Propriété <strong>de</strong> Jo Honein<br />
Cécile Galia