CONTRE L'E.D.N. - La Guerre de la liberté
CONTRE L'E.D.N. - La Guerre de la liberté
CONTRE L'E.D.N. - La Guerre de la liberté
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
17 <strong>L'E</strong>.d.N. et son temps<br />
vi<strong>de</strong>.; s’installer dans <strong>la</strong> nullité en dissimu<strong>la</strong>nt le néant<br />
culturel existant au moyen d’un vocabu<strong>la</strong>ire approprié,<br />
puisé dans une doxa situationniste. Elle est<br />
l’illustration présente que, pour ce qui est <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s<br />
persistantes, une forme diluée du situationnisme se<br />
rencontre partout, qui a tous les goûts <strong>de</strong> l’époque<br />
situationniste, et aucune <strong>de</strong> ses idées, et qui trouve son<br />
esthétique dans <strong>la</strong> répétition. L’E.d.N., à ce sta<strong>de</strong><br />
sénile-passéiste, est ainsi incapable aussi bien d’avoir<br />
une position idéologique que d’inventer quoi que ce<br />
soit.: elle cautionne <strong>de</strong>s char<strong>la</strong>tanismes toujours plus<br />
vulgaires, et en <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’autres.<br />
De là découlent ses sempiternelles hésitations, ses<br />
râles et grognements <strong>de</strong> chien ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, <strong>de</strong>vant<br />
l’apparition du moindre mouvement <strong>de</strong> masse. C’est<br />
qu’elle n’a jamais pu faire son temps. En 1986, elle<br />
saluait tardivement 48 «.une lutte qui se (vou<strong>la</strong>it)<br />
explicitement sans dirigeants ni ve<strong>de</strong>ttes.», mais pour<br />
y reconnaître <strong>de</strong>s «.vérités anti-politiques.» qui<br />
semb<strong>la</strong>ient <strong>la</strong> satisfaire. En 1996, faisant part <strong>de</strong> ses<br />
Remarques sur <strong>la</strong> paralysie <strong>de</strong> décembre 1995 49 , elle<br />
considérait que ce qui venait <strong>de</strong> se produire n’était<br />
qu’une immense «.mise en scène syndicalomédiatique<br />
<strong>de</strong> l’affrontement.», un «.Mai virtuel.», un<br />
«.simu<strong>la</strong>cre.», pour en conclure, faisant un trait sur <strong>la</strong><br />
possibilité d’une pratique collective <strong>de</strong>s luttes,<br />
«.qu’on sait pourtant que dans un mon<strong>de</strong> si<br />
désastreusement unifié, on ne peut se sauver tout seul.<br />
[…] Mais par où commencer.? Disons qu’il faut<br />
commencer <strong>de</strong> se sauver tout seul […].». Disons<br />
plutôt que c’est ainsi que tout finit. Enfin, son récent<br />
investissement dans <strong>la</strong> lutte contre les O.G.M. ne l’a<br />
pas pour autant ramenée dans <strong>la</strong> sphère <strong>de</strong> <strong>la</strong> praxis<br />
historique. Encore une fois, elle est arrivée après coup<br />
sur le terrain <strong>de</strong> <strong>la</strong> contestation (après l’action menée<br />
à Nérac par R. Riesel et <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Confédération paysanne qui fut suivie <strong>de</strong> toute une<br />
série d’actes «.sauvages.») quand une orchestration<br />
médiatique a commencé à se faire sentir, et toujours<br />
pru<strong>de</strong>mment, à petits pas, avec une ironie voltairienne<br />
se rail<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> l’incapacité <strong>de</strong>s masses à constituer un<br />
front <strong>de</strong> jardiniers contre <strong>la</strong> diablerie génétique. En<br />
effet, lorsqu’elle a rédigé un premier ouvrage sur <strong>la</strong><br />
question, elle n’a pas remarqué que toute cette<br />
agitation anti-O.G.M. pouvait aboutir à autre chose<br />
qu’une simple protestation anti-mo<strong>de</strong>rniste. Et, dans<br />
<strong>la</strong> suite, malgré le ralliement d’un Riesel à son<br />
cénacle, elle fait toujours triste figure quand il s’agit<br />
<strong>de</strong> trouver un sens à l’histoire. Elle reste à côté pour<br />
vendre quelques livres, sait-on jamais…<br />
Ainsi, dans son désintérêt croissant pour les<br />
diverses luttes sociales, l’E.d.N. finit-elle par<br />
[48] Par un tract du 10 décembre 1986, c’est-à-dire quelques jours<br />
après <strong>la</strong> fin du mouvement lycéen et étudiant d’alors.<br />
[49] Ouvrage remarqué alors par <strong>la</strong> critique littéraire <strong>de</strong> Charliehebdo<br />
qui voyait en l’E.d.N. «.le seul éditeur dont tous les titres, sans<br />
exceptions, sont recommandables.».<br />
rejoindre ce qu’elle méprisait au départ.: elle ne se<br />
réfugie peut-être pas «.sous <strong>la</strong> tente <strong>de</strong> <strong>la</strong> totalité.»,<br />
mais elle campe tout <strong>de</strong> même dans ses opinions. Ce<br />
qu’elle critique dans <strong>la</strong> contestation qui surgit en son<br />
temps, c’est qu’elle ne s’oriente pas dans <strong>la</strong> direction<br />
qu’elle a toujours indiquée.: <strong>la</strong> critique du progrès. Et<br />
comme cette incantation (<strong>la</strong> critique du progrès, <strong>la</strong><br />
critique du progrès, <strong>la</strong> critique du progrès…) lui fait<br />
office <strong>de</strong> «.conscience critique.», elle ne peut<br />
reconnaître aucune vérité dans une histoire qui semble<br />
bel et bien poser <strong>de</strong>s questions autrement. Pour<br />
l’E.d.N., hormis le retour au jardin, avec sans doute,<br />
<strong>de</strong>rrière le potager, un bel abri anti-nucléaire,<br />
agrémenté d’une bibliothèque comportant les œuvres<br />
complètes <strong>de</strong> Joseph <strong>de</strong> Maistre, il n’y a <strong>de</strong> va<strong>la</strong>ble<br />
que le terrorisme nihiliste d’un Kaczinsky ou les actes<br />
forcément isolés qui reprennent «.les accents <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
subversion anti-industrielle <strong>de</strong> cette révolution<br />
inconnue qui, <strong>de</strong>puis les Luddistes et les Canuts, court<br />
tel un fil secret à travers l’histoire <strong>de</strong>s luttes<br />
sociales.». Il est vrai qu’il en est d’autres qui préfèrent<br />
attendre le retour du Messie, et pourquoi pas<br />
également Th. Münzer, Spartacus ou l’homme <strong>de</strong><br />
Nean<strong>de</strong>rtal.? Et pourtant… les révolutionnaires <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>main continueront obstinément à tirer leur poésie<br />
du futur.<br />
Il faut s’en remettre à l’incontournable<br />
conclusion.: l’E.d.N. accompagne son temps comme<br />
un situationnisme achevé, les restes formolisés <strong>de</strong> ce<br />
qui se voulut <strong>la</strong> critique <strong>la</strong> plus radicale et <strong>la</strong> plus<br />
subversive <strong>de</strong> <strong>la</strong> fin du XX e siècle. À trop vouloir<br />
conserver, défendre, sauver, l’E.d.N. trahit dans son<br />
<strong>la</strong>ngage ce qu’elle a toujours voulu soigneusement<br />
cacher.: son aversion pour le mouvement historique<br />
qui dissout l’ordre existant, à savoir <strong>la</strong> révolution<br />
sociale. Elle traduit aussi, par ce biais, les intérêts<br />
profondément contradictoires <strong>de</strong> l’élite intellectuelle<br />
contemporaine, partagée entre son désir d’être<br />
reconnue par <strong>la</strong> société et son incapacité réelle à<br />
comprendre <strong>la</strong> société. Ainsi, il est au moins une<br />
vérité dont elle peut s’enorgueillir d’avoir trouvé <strong>la</strong><br />
juste formu<strong>la</strong>tion.: nous vivons bien après un<br />
effondrement, mais c’est du sien qu’il s’agit et, au<strong>de</strong>là,<br />
<strong>de</strong> toute une conception, <strong>de</strong>venue rétrogra<strong>de</strong>, <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> critique sociale. L’E.d.N. ne gagnera pas <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong>uriers.; elle aura tout au plus une p<strong>la</strong>ce dans le décor<br />
actuel <strong>de</strong> <strong>la</strong> décomposition idéologique.: les éloges <strong>de</strong><br />
Finkielkraut, <strong>de</strong> Charlie-Hebdo, du Figaro ou du<br />
Mon<strong>de</strong> diplomatique, qu’importe.! Il lui faudra s’en<br />
contenter.<br />
Mais, pour ceux qui n’enten<strong>de</strong>nt pas retourner <strong>la</strong><br />
terre ou se payer <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>liberté</strong> dans un petit travail<br />
indépendant, pour ceux qui se préoccupent encore <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> question sociale et qui pensent et veulent «.le<br />
changement le plus libérateur <strong>de</strong> <strong>la</strong> société et <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie