CONTRE L'E.D.N. - La Guerre de la liberté
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45 L'avant-gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'absence<br />
constitue pour chacun, donc pour tous, <strong>la</strong> possibilité<br />
<strong>de</strong> se livrer «.aux véritables divisions et aux<br />
affrontements sans fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie historique 118 .». Ce<br />
projet démocratique d’«.auto-institution explicite <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> société 119 .», est tout sauf utopique. Il s’appuie sur<br />
cette révolution <strong>de</strong>venue inconnue qui, entre <strong>la</strong><br />
découverte <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>liberté</strong> politique à Athènes en passant<br />
par les communes bourgeoises médiévales, entre<br />
certaines jacqueries et soulèvements hérétiques, entre<br />
<strong>la</strong> Révolution française et toutes les révoltes et<br />
révolutions sociales <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux siècles écoulés jusqu’à<br />
Mai 68, court souterrainement à travers l’histoire<br />
comme exigence sans cesse rejouée d’une émancipation<br />
universelle. Ce retour <strong>de</strong> <strong>la</strong> question politique<br />
n’exclut ainsi nullement les nécessités impérieuses <strong>de</strong><br />
l’égalité et <strong>de</strong> l’émancipation sociales. <strong>La</strong> séparation<br />
<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux domaines, quand elle n’entre pas dans un<br />
simple usage <strong>de</strong> démonstration théorique, sert toujours<br />
les intérêts <strong>de</strong>s pouvoirs en p<strong>la</strong>ce, comme elle justifia,<br />
par exemple, le réformisme du marxisme professoral<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> Internationale et son intégration<br />
confortable aux rouages politiques <strong>de</strong>s démocraties<br />
bourgeoises. Il est acquis <strong>de</strong> longue date que le<br />
mouvement social n’exclut pas le mouvement politique<br />
comme «.Il n’y a jamais <strong>de</strong> mouvement politique<br />
qui ne soit social en même temps 120 .».<br />
Au regard <strong>de</strong> <strong>la</strong> misère actuelle, nous n’idéalisons<br />
ainsi pas plus le retour à une quelconque forme <strong>de</strong><br />
société traditionnelle, à <strong>la</strong> promotion inconditionnelle<br />
d’un temps cyclique, ce temps sans conflit où «.pour<br />
rester dans l’humain, les hommes doivent rester les<br />
mêmes 121 .», que nous ne souhaitons le retour d’une<br />
pratique révolutionnaire ayant pour modèle achevé <strong>la</strong><br />
Commune <strong>de</strong> Paris, les conseils ouvriers, l’Espagne<br />
<strong>de</strong> 36 ou le situationnisme <strong>de</strong>s années 60. Nous<br />
pensons également que <strong>la</strong> reprise <strong>de</strong>s quelques principes<br />
fondamentaux propres à tout projet révolutionnaire<br />
exposés dans ces pages n’a pas à se défendre contre<br />
[118] G. Debord, Préface à <strong>la</strong> 4e édition italienne <strong>de</strong> <strong>la</strong> Société du<br />
spectacle. Nous partageons effectivement avec Debord, Marx et Hegel,<br />
ce postu<strong>la</strong>t politique fondamental découvert par Machiavel qui veut<br />
que <strong>liberté</strong> politique et émancipation sociale ne naissent jamais que <strong>de</strong>s<br />
tumultes et <strong>de</strong>s conflits.<br />
[119] L’expression renvoie aux réflexions <strong>de</strong> C. Castoriadis.<br />
[120] K. Marx, Misère <strong>de</strong> <strong>la</strong> philosophie.<br />
[121] Guy Debord, <strong>La</strong> Société du spectacle.<br />
le chantage <strong>de</strong>s arguments accablés que porte<br />
l’époque sur elle-même et dont l’E.d.N., dans son<br />
milieu, a su si bien se faire l’écho. Parce qu’il est une<br />
lutte, un pari nécessaire et toujours rejoué qui ne<br />
trouve sa légitimité que dans les objectifs d’émancipation<br />
qu’il aura su se donner, ce projet n’a pas plus à se<br />
justifier <strong>de</strong> <strong>la</strong> perte du sujet historique qu’il n’a à<br />
évaluer ses succès à <strong>la</strong> mesure <strong>de</strong>s simples existences<br />
individuelles. Nous refusons ainsi toute forme d’incantation<br />
historique, que celle-ci se présente sous les<br />
propos rassis <strong>de</strong> n’importe quel conservatisme ou sous<br />
les oripeaux progressistes <strong>de</strong> <strong>la</strong> domination en p<strong>la</strong>ce.<br />
Notre recours à l’histoire n’est ni une assurance sur<br />
l’avenir, ni une défense du passé. Il nous donne<br />
simplement <strong>la</strong> mesure <strong>de</strong> l’air <strong>de</strong> <strong>liberté</strong> que tout<br />
mouvement futur souhaitera retrouver par ses propres<br />
moyens pour accomplir justement ce qui ne l’a jamais<br />
été. Ce recours n’en est pas moins partisan et passionné.<br />
Il se p<strong>la</strong>ce du côté <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s mouvements<br />
et <strong>de</strong>s hommes qui, en tous temps et en tous lieux, ont<br />
su porter et sauront porter encore à leur plus haut<br />
<strong>de</strong>gré cette exigence démocratique et sociale dans une<br />
lutte incessante contre toute forme d’exploitation<br />
économique et contre toute domination d’État. C’est<br />
le seul fil historique qu’il importe <strong>de</strong> redécouvrir.;<br />
celui contre lequel, en lien direct avec <strong>la</strong> perte <strong>de</strong><br />
toute connaissance historique, cette société mène une<br />
guerre impitoyable pour le maintenir dans un oubli<br />
permanent. Il faut être mortifié par sa propre déchéance<br />
pour n’apercevoir dans <strong>la</strong> réalité présente que les<br />
symptômes avant-coureurs d’une apocalypse programmée.<br />
Nous savons que cette réalité, dans ses<br />
aspects contradictoires, confus, imperceptibles, porte<br />
toujours le désir d’une quête plus profon<strong>de</strong> en<br />
cherchant à s’arracher <strong>de</strong>s diktats plombés <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
survie. Çà et là, loin <strong>de</strong>s barrages, rejaillissent ces<br />
sources souterraines dans lesquelles les révolutions<br />
renaissent qui jamais ne tarissent.