Introdu odu oduction odu on on
I L Y A QUELQUE CHOSE <strong>de</strong> pourri au royaume du négatif. Tout ce qui se présente aujourd’hui comme critique radicale <strong>de</strong> <strong>la</strong> société entonne fièrement le refrain <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessaire critique <strong>de</strong>s illusions idéologiques sécrétées par ce mon<strong>de</strong>.; elle a seulement oublié <strong>de</strong> lutter contre l’idéologie en son sein, et <strong>la</strong> doctrine d’interprétation <strong>de</strong>s faits existants qui lui permet <strong>de</strong> camoufler sa propre misère se nomme maintenant situationnisme. Il ne s’agit pas uniquement <strong>de</strong> ce situationnisme ambiant qui nourrit l’époque.: <strong>de</strong>s salonneries médiatiques d’un Sollers aux élucubrations néohei<strong>de</strong>ggeriennes d’un Agamben1 , en passant par les vulgaires récupérations diverses et variées qui peuvent se faire <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> Debord. Ici, le phénomène n’est pas nouveau.: «.situationnisme.» n’y est effectivement qu’un «.vocable privé <strong>de</strong> sens.», conçu par <strong>de</strong> f<strong>la</strong>grants «.anti-situationnistes.». On y reconnaît aisément <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> récupération, pour le maintien <strong>de</strong> cette société, <strong>de</strong> quelques idées découvertes et développées dans le cadre <strong>de</strong> l’Internationale Situationniste mais qui, séparées <strong>de</strong> <strong>la</strong> totalité révolutionnaire dans <strong>la</strong>quelle elles s’inscrivaient, per<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> leur signification réelle pour ne plus servir qu’à rendre quelques couleurs au décor suranné <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>. Il nous a semblé qu’il fal<strong>la</strong>it aller au-<strong>de</strong>là. En effet, il ne suffit pas <strong>de</strong> dénoncer ce qui apparaît <strong>de</strong> manière évi<strong>de</strong>nte aux yeux <strong>de</strong> tous, à savoir <strong>la</strong> stérilisation puis l’utilisation <strong>de</strong>s idées situationnistes par l’idéologie dominante, <strong>de</strong> constater «.l’amère [1] Encore que cette qualification reste limitée. Le filon Hei<strong>de</strong>gger ne suffisant plus à <strong>la</strong> mo<strong>de</strong> parisienne, <strong>la</strong> «.philosophie qui vient.» trifouille successivement dans les tiroirs <strong>de</strong> Benjamin, Foucault, Arendt et Deleuze. Introdu odu oduction odu on on victoire du situationnisme.».; encore faut-il montrer au grand jour <strong>la</strong> misère actuelle <strong>de</strong> ceux qui s’en réc<strong>la</strong>ment, explicitement ou implicitement, les fidèles continuateurs. Chez ces <strong>de</strong>rniers, le situationnisme n’est plus un simple mot ou ensemble <strong>de</strong> mots servant à <strong>la</strong> para<strong>de</strong> spectacu<strong>la</strong>ire, mais une idéologie bel et bien ancrée, résultat <strong>de</strong> <strong>la</strong> faillite historique du mouvement situationniste. Il ne faut pas cependant y reconnaître une quelconque doxa établie par l’I.S., mais bien ce qui s’est figé et pétrifié en <strong>de</strong>hors d’elle, à partir <strong>de</strong> son échec après 1968. Le situationnisme, comme idéologie <strong>de</strong> <strong>la</strong> nouvelle radicalité révolutionnaire, est <strong>la</strong> caricature <strong>de</strong> <strong>la</strong> théorie situationniste, <strong>la</strong> perte <strong>de</strong> ce qui s’était cherché dans le cadre <strong>de</strong> celle-ci, et le camouf<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> cette perte. Il est l’une <strong>de</strong>s illusions majeures <strong>de</strong> <strong>la</strong> critique sociale actuelle, en ce sens qu’il croit porter en lui <strong>la</strong> pureté radicale et l’accomplissement <strong>de</strong> l’intelligence théorique critique. Ainsi, il nous semble qu’il ne s’agit pas <strong>de</strong> faire le procès <strong>de</strong> l’I.S. ou <strong>de</strong> Debord, <strong>de</strong> chercher l’erreur originelle qui aurait perverti l’ensemble du projet («.Vous savez qu’une création n’est jamais pure.», écrivait justement Debord en 1957 2 ), mais <strong>de</strong> savoir ce qu’est présentement ce qui a voulu le continuer. Au premier regard, on peut voir aujourd’hui toute l’influence diffuse du situationnisme dans un ensemble assez hétérogène <strong>de</strong> discours qui se veulent <strong>de</strong>s critiques impitoyables du mon<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rne, mais qui se p<strong>la</strong>cent toujours d’un point <strong>de</strong> vue qui a étrangement évacué toute perspective révolutionnaire, lui substituant plutôt celle d’une fin du mon<strong>de</strong>. Ils se [2] Debord, Rapport sur <strong>la</strong> construction <strong>de</strong>s situations et sur les conditions <strong>de</strong> l’organisation et <strong>de</strong> l’action <strong>de</strong> <strong>la</strong> tendance situationniste internationale (1957).