LES CEUX DE - Archives et musée de la littérature
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Bribeux. 129<br />
Et comme nous ne savons plus quoi faire, voilà <strong>de</strong>ux vieilles<br />
bribeuses qui atournent dans notre barrière pour venir <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />
<strong>la</strong> charité. C'est vendredi aujourd'hui <strong>et</strong> il en vient<br />
toujours plus que les autres jours.<br />
J'avais oublié que c'était vendredi, malgré que ma tante a<br />
mis un p<strong>et</strong>it hopai <strong>de</strong> cennes au coin <strong>de</strong> l'armoire pour les<br />
bribeux. Et puis comme tous les vendredis nous avons mangé<br />
du stokfess à dîner, avec <strong>de</strong> <strong>la</strong> sauce au <strong>la</strong>it, ça faisait <strong>de</strong><br />
belles hailles b<strong>la</strong>nches.<br />
— Il rifât nin djâser tôt magnant <strong>de</strong> stokfess, à câse <strong>de</strong><br />
riesses, que ma tante répète tout le temps en mangeant<br />
jusqu'à ce qu'elle manque d'avaler une arête aussi.<br />
— Diale mi poss<strong>et</strong>te, j'a mâqué <strong>de</strong> stronler, qu'elle dit après,<br />
en buvant tout son verre <strong>de</strong> bière.<br />
— Çou<strong>la</strong> v' s'apprindr<strong>et</strong> à tant parler qwand i ri a nin mesâhe,<br />
que mon oncle répond tranquillement, en piquant une gran<strong>de</strong><br />
haille <strong>de</strong> poisson.<br />
— Taihive, sins âme, qu'elle grogne.<br />
Les <strong>de</strong>ux vieilles bribeuses vont tout lentement en frappant<br />
à terre avec leur gros bordon, comme pour avoir l'air pesant<br />
<strong>et</strong> fatigué. Une a <strong>de</strong>s sabots tout p<strong>la</strong>ts <strong>et</strong> l'autre <strong>de</strong>s souliers<br />
d'homme à é<strong>la</strong>stiques avec <strong>de</strong>s grands tirants déchirés. Voilà<br />
comment elles font pour qu'on voie bien qu'elles viennent<br />
pour mendier, <strong>et</strong> pas pour faire une commission : elles ont<br />
une cotte <strong>de</strong> moutonne comme toutes les femmes <strong>de</strong> par ici,<br />
mais au lieu d'avoir à leur corps un casaw<strong>et</strong>, une marinière<br />
ou un mantul<strong>et</strong>, elles m<strong>et</strong>tent encore une autre cotte <strong>de</strong><br />
moutonne, mais en l'aboutonnant à leur cou, <strong>et</strong> ça fait comme<br />
un grand manteau qui pend tout autour, <strong>et</strong> elles poussent<br />
leur main par <strong>la</strong> fente en <strong>la</strong> faisant trembler en exprès, pour<br />
avoir « une p<strong>et</strong>ite chârité ». Et sur leur tête, une vieille gâm<strong>et</strong>te<br />
ou un mouchoir qui fait une pointe <strong>de</strong>rrière.<br />
— Pourquoi donc, tante, que je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, que les bribeuses<br />
m<strong>et</strong>tent <strong>de</strong>ux cottes ainsi <strong>et</strong> marchent toutes bossues 1<br />
— Pah! c'est po s'fer l'pu <strong>la</strong>i<strong>de</strong>s qu'elles polessent, po qu'les<br />
gins happessent ine sogne <strong>et</strong> l's'y d'nessent ine cense po ri esse<br />
qivitte.