LES CEUX DE - Archives et musée de la littérature
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158 Les ceux <strong>de</strong> chez nous.<br />
Nous entrons. C'est une ferme, mais on vend aussi <strong>la</strong> goutte,<br />
comme quand on reste assez longtemps sans voir une maison ;<br />
alors comme il n'y a pas <strong>de</strong>s cabar<strong>et</strong>s assez, on peut avoir une<br />
goutte ou un pintai dans les p<strong>et</strong>ites fermes, au bord <strong>de</strong>s routes.<br />
Tout le mon<strong>de</strong> est <strong>de</strong>bout dans <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>et</strong> on tient chacun<br />
un hèna qui <strong>la</strong>isse tomber <strong>la</strong> moitié à terre, parce que les<br />
hommes font toujours tout plein <strong>de</strong>s gestes avec leur hèna ou<br />
leur frèsé pour s'expliquer. Vix-Jean a crié : Tapez ritourneye !<br />
en entrant ; c'est par politesse qu'il dit ça, <strong>et</strong> l'homme <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ferme a dit : Aw<strong>et</strong>, so l'côp. Et eune di doux po li p'tit èdon!<br />
Un peu après, il fait le tour avec un grand p<strong>la</strong>teau où il y a<br />
toutes les gouttes <strong>de</strong>ssus, qui tremblent, <strong>et</strong> le pèk<strong>et</strong> qui<br />
coule <strong>de</strong> tous les côtés, parce que l'homme n'est pas un vrai<br />
cabar<strong>et</strong>ier <strong>et</strong> qu'il en m<strong>et</strong> trop pour faire l'honnête. Il pousse<br />
son p<strong>la</strong>teau trop haut, dans le nez <strong>de</strong>s hommes, en disant :.<br />
— S'i v'p<strong>la</strong>ît, mècheux !<br />
Les mècheux, c'est tous <strong>de</strong>s <strong>la</strong>i<strong>de</strong>s sales gens comme le<br />
maçon Lodomé, le gros Hangneye, le père <strong>de</strong> Zante, Djôr,<br />
qui est déjà saoûl quand on n'a pas encore commencé. Il y a<br />
encore Bolleux, le scrinî, qu'on appelle toujours Maqueye,<br />
peut-être parce qu'il en mange trop, le vieux Michî qui ne voit<br />
presque rien <strong>et</strong> qui parle tout seul sur une chaise, <strong>et</strong> qui n'a<br />
plus rien dans son hèna, tellement que ses mains tremblent,<br />
le sot Houbert, comme on dit, qui ne comprend rien <strong>de</strong> rien<br />
<strong>et</strong> rit toujours en se donnant lui-même chaque fois une calotte.<br />
Et puis, M. Lucas Gar<strong>de</strong>dieu, un homme capâpe, qui écoute<br />
tout ce qu'on lui dit en poussant son nez <strong>de</strong> côté avec son<br />
doigt levé, puis il fronce les sourcils <strong>et</strong> crie :<br />
— Oui... mais... non.<br />
Alors on croit qu'il sait mieux tout que tout le mon<strong>de</strong><br />
ensemble, <strong>et</strong> on répète toujours que c'est quelqu'un <strong>de</strong> fort<br />
sincieux <strong>et</strong> capâpe ; peut-être qu'il n'est qu'une grosse bête,<br />
mais c'est pas moi qui ira l'dire, est-ce pas !<br />
— Et volà rigotte di doux po li p'tit, avou on bai noû croqu<strong>et</strong>,<br />
que l'homme <strong>de</strong> <strong>la</strong> ferme me dit en arrivant <strong>de</strong>vant moi avec<br />
son p<strong>la</strong>teau où il ne reste plus qu'un <strong>la</strong>id p<strong>et</strong>it verre avec quelque<br />
chose <strong>de</strong> jaune comme <strong>de</strong> l'huile <strong>de</strong> <strong>la</strong>mpon<strong>et</strong>te, <strong>et</strong> il a