LES CEUX DE - Archives et musée de la littérature
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Le gros vicaire. 73<br />
rire avec, mais le gros vicaire, en chantant <strong>et</strong> faisant ses<br />
mains, regar<strong>de</strong> <strong>de</strong> tous les côtés, <strong>et</strong> pour nous faire attaquer<br />
avec, il fait <strong>de</strong>s signes avec sa tête d'un air tout fâché comme<br />
pour dire « Habie donc ! » Nous n'osions pas, nous autres, <strong>de</strong><br />
peur <strong>de</strong> chanter les mots aussi drol<strong>de</strong>ment que lui; moi, je mords<br />
fort ma lèvre d'en bas avec le trou où j'ai une <strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong>it qui<br />
a tombé ; ça me pique, c'est pour ne pas éc<strong>la</strong>ter que je rie<br />
tout doucement dans mon nez. Mais Zante, lui, il est <strong>de</strong>rrière<br />
le vicaire, dans son coin <strong>et</strong> il a bon. Il ne pleure plus, <strong>et</strong> il a<br />
sa figure toute mahurée, parce qu'il s'a ressuyé avec ses sales<br />
mains ; ça lui fait comme <strong>de</strong>s bèriques toutes noires. Il rie si<br />
bien, avec sa bouche au <strong>la</strong>rge <strong>et</strong> ses oreilles comme celles d'un<br />
pot à <strong>la</strong> sirope ; mais le gros vicaire le voit tout d'un coup<br />
<strong>et</strong> il va encore lui donner trois calottes en mesure, en chantant :<br />
« douchor, douchor, douchor » <strong>et</strong> Zante recommence à choûler<br />
<strong>et</strong> c'est nous qui a bon maintenant. Encore une fois le refrain<br />
pour finir <strong>et</strong> nous faisons traf, traf, avec nos pieds sur <strong>la</strong> barre<br />
qui est en <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong>s bancs, nous frappons nos mains sur nos<br />
genoux en mesure pour faire encore plus <strong>de</strong> bruit en chantant.<br />
Et puis, envoye. C'est tout : nous sortons en nous poussant;<br />
Arnol, qu'a perdu un sabot jure tout outre comme un homme<br />
<strong>et</strong> les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> chez Moh<strong>et</strong>te font tourner leur couverte au bout<br />
du cuir <strong>et</strong> hawent comme <strong>de</strong>s chiens, pour que le chien <strong>de</strong> chez<br />
le curé enten<strong>de</strong> <strong>et</strong> viennent hawer aussi, tout fâché <strong>de</strong>rrière<br />
<strong>la</strong> haie. Nous rattendons Zante un peu plus loin pour l'embêter.<br />
Voilà qu'il vient, le <strong>de</strong>rnier, avec son bras sur ses yeux, <strong>et</strong> sa<br />
vieille casqu<strong>et</strong>te dans l'autre main, que <strong>la</strong> penne est déchirée<br />
<strong>et</strong> qu'on voit que c'est du carton.<br />
Il pleure toujours, mais quand il doit <strong>de</strong>scendre le seuil ou<br />
ascohi <strong>la</strong> horotte, il se r<strong>et</strong>ient <strong>de</strong> pleurer, <strong>et</strong> il lève un peu son<br />
bras pour voir. Il voudrait bien r<strong>et</strong>ourner par <strong>la</strong> ruelle d'el<br />
Creux pour que nous ne l'attrapions pas ; mais nous faisons<br />
vite le tour <strong>et</strong> nous nous poussons sur lui en chantant comme<br />
le gros vicaire : Douchor, douchor, douchor, en lui donnant<br />
<strong>de</strong> temps en temps une calotte, pendant qu'il essaie <strong>de</strong> frapper<br />
avec sa casqu<strong>et</strong>te ou bien <strong>de</strong> cracher. Il choûle encore plus<br />
fort <strong>et</strong> il <strong>de</strong>vient toujours plus <strong>la</strong>id quand il crie comme ça.