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LES CEUX DE - Archives et musée de la littérature

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î)6 Les ceux <strong>de</strong> chez nous.<br />

turchon bien loin toute dégoûtée en m'appe<strong>la</strong>nt affronté<br />

jub<strong>et</strong> ! vormint. Pourquoi donc ? Le turchon était encore<br />

bon assez pour faire <strong>de</strong> <strong>la</strong> sirope. Il y en a un tonneau tout<br />

plein, dans le colidor, <strong>de</strong> <strong>la</strong> sirope.<br />

Quand je lève le pesant couvercle <strong>de</strong> bois, je vois que ça<br />

reluit au fond comme quand je regar<strong>de</strong> dans le puits. Et<br />

même quand <strong>la</strong> sirope est bien tranquille, je vois mon portrait<br />

<strong>de</strong>dans. Mais c'est fort noir, <strong>et</strong> puis ce n'est pas pour<br />

ce<strong>la</strong> que je viens ôter le couvercle du tonneau à <strong>la</strong> sirope,<br />

c'est pour en happer un peu avec mon doigt.<br />

Je fais bien attention que personne ne vient, <strong>et</strong> que mon<br />

oncle raccommo<strong>de</strong> une usteye ou cloue <strong>de</strong>s clous quelque part,<br />

<strong>et</strong> que ma tante parle du temps qu'il fera <strong>de</strong>main avec <strong>la</strong><br />

femme aux cliquottes, ou bien qu'elle achète une losse <strong>de</strong><br />

bois ou un traiteu à l'homme qui passe avec sa charr<strong>et</strong>te <strong>et</strong><br />

un chien. Alors, je suis sûr qu'ils resteront longtemps sans<br />

m'embêter. Et j'ôte le couvercle du tonneau, il colle souvent,<br />

<strong>et</strong> il faut faire attention parce qu'il vient tout d'un coup,<br />

<strong>et</strong> je manque <strong>de</strong> tomber avec.<br />

Et puis...<br />

Ah ! qu'on a bon <strong>de</strong> pousser son doigt dans <strong>la</strong> sirope. C'est<br />

tout froid d'abord, comme <strong>de</strong> l'eau ; mais on ne peut pas<br />

faire aller son doigt si vite comme dans l'eau, parce que c'est<br />

plus dur. Alors je fais comme un croc avec mon doigt replié<br />

<strong>et</strong> je le r<strong>et</strong>ire tout plein <strong>de</strong> sirope, comme c'est bon ! Pas <strong>de</strong><br />

pain, pas <strong>de</strong> beurre, <strong>et</strong> tant qu'il m'p<strong>la</strong>ît.<br />

D'abord ça p<strong>la</strong>que aux <strong>de</strong>nts <strong>et</strong> ça fait une colle dans <strong>la</strong><br />

bouche comme si ça ne vou<strong>la</strong>it pas fondre. Mais je l'avale<br />

<strong>de</strong> force <strong>et</strong> ça me coule dans le bûseau, tout doux <strong>et</strong> lentement,<br />

comme quand il y a quelquefois un p<strong>et</strong>it lumeçon resté dans <strong>la</strong><br />

sa<strong>la</strong><strong>de</strong> <strong>et</strong> qu'on le sent passer comme ça, quand il est trop<br />

tard pour tousser <strong>et</strong> le ravoir <strong>de</strong>hors.<br />

Quand j'en ai bourré ma bouche tant que je peux, <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

sirope, ça a un goût si fort, comme brûlé, qu'on croit qu'on<br />

n'aura jamais plus faim après quelque chose d'autre. Mais<br />

il faut que j'en mange le plus possible maintenant parce que<br />

je ne sais jamais quand je pourrai encore revenir au tonneau.

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