LES CEUX DE - Archives et musée de la littérature
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144 Les ceux <strong>de</strong> chez nous.<br />
— Merci, ma tante, que je dis fort haut comme si je criais<br />
après quelqu'un. Et je pars en serrant ce qu'elle m'a donné<br />
dans ma main, que je parie que c'est cinq francs parce que je<br />
sens déjà comment ça est une pièce <strong>de</strong> cinq francs.<br />
Oui, j'ai ôté le papier, c'en est une. Je gratte les <strong>de</strong>ux pièces<br />
ensemble, puis je les m<strong>et</strong>s <strong>de</strong>vant mes yeux comme <strong>de</strong>s bèriques,<br />
puis dans ma bouche, puis je les fais un peu rouler sur<br />
le p<strong>et</strong>it sentier par où que je vais chez mon pârain. Puis je<br />
les fais sonner dans mes mains, je joue à <strong>la</strong> <strong>de</strong>ye avec, puis au<br />
bouchon, puis je les rem<strong>et</strong>s dans une autre poche <strong>et</strong> puis il<br />
m' faut encore les reprendre pour les regar<strong>de</strong>r <strong>et</strong> il m' semble<br />
maintenant que je sais bien pourquoi que Napoléon a dit ça.<br />
Quand j'arrive à <strong>la</strong> cinse <strong>de</strong> mon pârain, c'est assez loin,<br />
<strong>et</strong> mes pieds me font mal. Je crois que je houlteye un peu, <strong>et</strong><br />
quand j'entre dans <strong>la</strong> cour où qu'il y a un gros hopai d'encenne<br />
au milieu, le chien Hardi hawe <strong>et</strong> rouffelle hors <strong>de</strong> son tonneau<br />
en tirant sur sa chaîne ; les poules commencent à voler <strong>de</strong><br />
peur <strong>de</strong> lui <strong>et</strong> on entend roubiner les chevaux à cause <strong>de</strong> tout<br />
le bruit.<br />
— Sacri cint meye milliards di noms, ki gn' a-t-i don là !<br />
crie mon pârain en accourant en manches <strong>de</strong> chemise.<br />
— Il n'y a rien, c'est moi, pârain.<br />
— C'est surmint cist esbaré chapai-là qu'arèt fait sogne à<br />
m' chin <strong>et</strong> âx poyes. E trô! sacri cint meye milliards di noms!<br />
crie-t-il au chien qui rentre tout lentement, avec sa chaîne<br />
dans ses pattes.<br />
Nous allons dans <strong>la</strong> p<strong>et</strong>ite cuisine où que pârain buvait<br />
justement le café avec Génie, sa vieille servante, une grosse<br />
femme avec une bouche comme une tirelire, d'où qu'on ne<br />
peut rien avoir <strong>de</strong>hors, car elle ne parle presque jamais.<br />
Mon oncle avait presque fini quand j'arrive. Il mange les<br />
<strong>de</strong>rnières bouchées d'une tartine <strong>de</strong> maquaye qu'il coupe<br />
contre son gros doigt avec son fiemtai, puis le canif va avec<br />
<strong>la</strong> bouchée contre jusqu'à sa bouche que je pense toujours<br />
qu'il va se couper son oreille bas. Il a fini, il ressuye son fiemtai<br />
à son pantalon, puis il r<strong>et</strong>ourne sa jatte à café dans le p<strong>la</strong>teau.<br />
Je croyais toujours que Génie al<strong>la</strong>it s'en aller pour rem<strong>et</strong>tre