27.06.2013 Views

No 06 Le métier d'enseignant.pdf - Etat du Valais

No 06 Le métier d'enseignant.pdf - Etat du Valais

No 06 Le métier d'enseignant.pdf - Etat du Valais

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Dominique Savioz<br />

«L’enseignement est aussi<br />

un art de l’improvisation»<br />

Dominique Savioz enseigne en<br />

sixième primaire au Sacré-Cœur à<br />

Sion. Il est aussi président de l’Association<br />

<strong>du</strong> personnel enseignant<br />

sé<strong>du</strong>nois. Engagé politiquement au<br />

PaCS, député, membre de la Commission<br />

des finances, il défend avec<br />

enthousiasme ses idées. De même,<br />

il enseigne avec passion et s’intéresse<br />

à l’actualité des théories é<strong>du</strong>catives,<br />

même s’il porte un regard<br />

assez inquiet sur l’école actuelle.<br />

S’il n’est pas contre l’évolution de<br />

l’école, naturelle à ses yeux, il<br />

craint qu’on ne la viole.<br />

<strong>Le</strong> <strong>métier</strong> d’enseignant a beaucoup<br />

évolué. En quoi a-t-il le plus<br />

changé?<br />

Depuis vingt ans, on a spécialisé les<br />

matières, à tel point que chacune<br />

d’elles est de plus en plus «chronophage».<br />

Il y a une exagération d’objectifs.<br />

On ne fait que courir après<br />

on ne sait pas trop quoi. Cette surspécialisation<br />

condamne le maître<br />

généraliste. Or, la vision globale<br />

qu’il porte sur l’enfant me paraît<br />

essentielle.<br />

En vingt ans, ce qui me frappe, c’est<br />

le nombre de théories qui se sont<br />

succédé, balayées par de nouvelles<br />

théories. A chaque fois, on nous disait<br />

que c’était la bonne méthodologie.<br />

Et ça continue, on passe d’une<br />

dictature théorique à une autre.<br />

Ces facteurs expliquent-ils une<br />

partie de la démotivation que l’on<br />

peut observer chez les enseignants?<br />

<strong>No</strong>n, car ce ne sont là que des paramètres<br />

internes, mais il y en a<br />

quantité d’autres qui contribuent à<br />

expliquer la lassitude de nombre<br />

d’enseignants. On demande au-<br />

jourd’hui à l’école de régler tous les<br />

problèmes sociaux. Comme tout se<br />

délite à l’extérieur et que l’école publique<br />

reste le seul bassin de citoyenneté,<br />

les attentes de la société<br />

augmentent parallèlement. Dans le<br />

même temps, on nous dit pourtant<br />

que ce n’est pas à l’école de régler<br />

les problèmes é<strong>du</strong>catifs. Reste que<br />

la machine-école à force de s’alourdir<br />

devient toujours plus difficile à<br />

maîtriser, au détriment de ce qui<br />

me paraît essentiel, à savoir la présence<br />

à l’enfant.<br />

« Il faut<br />

donner<br />

et se donner<br />

les moyens<br />

<strong>du</strong><br />

changement.<br />

»<br />

Ce portrait de l’école n’est pas très<br />

réjouissant, mais le <strong>métier</strong> d’enseignant<br />

a-t-il aussi évolué positivement?<br />

Personnellement, je pense qu’on ne<br />

peut pas faire ce <strong>métier</strong> sans être<br />

optimiste. Pour ma part, je suis un<br />

optimiste réaliste. Si je continue à<br />

enseigner, c’est parce que je crois à<br />

l’é<strong>du</strong>cabilité. Actuellement, certains<br />

ont l’impression d’avoir inventé<br />

l’œuf de Colomb alors que<br />

l’on ne modifie rien en profondeur.<br />

Remplacer l’imprimerie Freinet par<br />

Internet est une chose mais, n’est<br />

pas Célestin Freinet qui veut. <strong>Le</strong><br />

danger, c’est aussi la pensée<br />

unique, le formatage sciences de<br />

l’é<strong>du</strong>cation. L’avis des enseignants<br />

qui ont de l’expérience n’intéresse<br />

plus grand monde.<br />

Certes, mais les enseignants chevronnés<br />

manquent majoritairement<br />

de confiance en eux. On a<br />

l’impression qu’il y a une peur de<br />

se mettre en avant…<br />

Je suis d’accord, mais il n’est pas facile<br />

aujourd’hui de dire qu’on est<br />

instituteur. Il faut au moins être<br />

professeur. De plus, on finit par se<br />

dire que cela ne sert à rien de s’exprimer<br />

puisque personne ne nous<br />

entend. <strong>No</strong>s revendications sont<br />

simples et ce n’est pas en créant<br />

une pléthore de commissions que<br />

l’on résoudra les difficultés de l’enseignant<br />

au quotidien. On parle<br />

sans arrêt de contrôle-qualité de<br />

l’école, de systèmes de pilotage,<br />

mais je n’ai jamais autant eu l’impression<br />

d’un flou artistique depuis<br />

que ces termes sont à la mode.<br />

Que faudrait-il améliorer en priorité?<br />

A mon sens, il faut donner et se donner<br />

les moyens <strong>du</strong> changement et ne<br />

pas vouloir tout modifier en même<br />

temps dans la dispersion générale<br />

des énergies. Par moyens, je n’entends<br />

pas seulement le financement.<br />

Comment par exemple parler de<br />

projets d’établissement sans modifier<br />

un certain nombre de paramètres?<br />

Pour que les enseignants<br />

puissent s’investir pleinement dans<br />

de tels projets, il est indispensable,<br />

dans les établissements, de prévoir<br />

des temps de coopération. Par la<br />

seule maîtrise de leur classe bien<br />

des enseignants sont déjà épuisés<br />

même s’ils restent motivés par leur<br />

<strong>métier</strong>. <strong>Le</strong> gros problème, c’est qu’ils<br />

n’osent pas se plaindre, car on leur<br />

14 Résonances - Février 2002

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!